Préoccupée par les informations récurrentes de mauvais
traitements, de comportements humiliants ou inhumains et
d'interventions disproportionnées, Amnesty International a observé
la pratique des différents corps de police et des entreprises de
sécurité privées en Suisse.
Présenté lundi à Berne par AI Suisse, le rapport "Suisse: police,
justice et droits humains" est le résultat de ces observations. Il
porte sur une trentaine de cas survenus dans quatorze cantons ces
dernières années.
Violences impunies
L'étude constate "de nombreuses violations des droits humains
commises par la police suisse". "Plus grave", selon l'organisation,
"la plupart de ces violations sont restées impunies": les agents
impliqués "n'ont pratiquement jamais été condamnés, parce qu'il n'y
a pas eu d'enquête ou que l'enquête n'a pas été indépendante et
exhaustive".
Les plaintes des victimes supposées ne font souvent pas l'objet
d'une enquête immédiate, indépendante, impartiale et approfondie,
selon Amnesty.
A titre d'exemple, l'organisation de défense des droits humains
cite le cas d'un jeune de 13 ans, conduit au poste de police avec
les menottes et déshabillé dans une cellule privée de lumière, ceci
alors que les responsables du service de sécurité du magasin
avaient informé la police que le jeune n'était pas impliqué dans la
manipulation d'une étiquette de prix.
Groupes ciblés
Le rapport critique également les équipements dangereux
utilisés, comme les gaz lacrymogènes dans des espaces fermés, les
balles colorantes ou les pistolets à électrochocs.
Amnesty évoque en outre les interventions contre des
groupes-cibles particuliers: requérants d'asile, personnes de
couleur, altermondialistes ou supporters de football ont ainsi été
victimes d'interventions policières disproportionnées, de
détentions arbitraires, de traitements racistes et
dégradants.
Enfin, la délégation de tâches policières à des entreprises de
sécurité privées pose des problèmes du fait que leur personnel
n'est "absolument pas formé au respect des droits humains".
agences/boi
Réaction: la police balaie les critiques
Le rapport d'Amnesty International blâmant la police suisse n'est pas du goût des instances visées. Pour les responsables cantonaux de la police, cette analyse dénonçant des violations des droits humains n'est pas sérieuse.
Ils balaient en particulier la critique selon laquelle les policiers fautifs restent la plupart du temps impunis. "Je ne connais aucun autre secteur de l'Etat où les enquêtes et les sanctions sont diligentées de manière aussi pointue", a expliqué lundi Karin Keller-Sutter, vice-présidente de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police.
"Le rapport est empreint de défiance à l'égard de la police, des autorités de poursuite pénale et des tribunaux", s'est-elle emportée. Elle n'admet pas qu'on impute à la police des comportements disproportionnés et qu'on la soupçonne de racisme latent.
Codes de déontologie demandés
Amnesty International recommande aux autorités politiques et aux responsables de la police en Suisse d'introduire des codes de déontologie à l'image de celui qui a été adopté par la police cantonale neuchâteloise.
L'organisation préconise aussi la mise en place d'instances indépendantes pour le dépôt et l'instruction des plaintes.
Amnesty soulève aussi les problèmes posés par la délégation des tâches policières à des entreprises de sécurité privées, dont le personnel reçoit une formation souvent lacunaire. Des critères clairs en matière d'engagement du personnel sont nécessaires.