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AI: interview du secrétaire romand d'AGILE

Cyril Mizrahi dénonce une loi "déséquilibrée" (ps-ge.ch)
Cyril Mizrahi dénonce une loi "déséquilibrée" (ps-ge.ch)
Le 17 juin, le peuple se prononcera par référendum sur la cinquième révision de l'assurance invalidité, qui vise à restreindre le nombre de rentes. Pour Cyril Mizarhi, secrétaire romand d'AGILE (Entraide Suisse Handicap) et vice-président du Parti socialiste genevois, cette réforme ne répond pas aux attentes et se fera sur le dos des personnes handicapées. Interview:

Que reprochez-vous à la 5e révision de
l'AI?




Cette réforme propose d'une part de réinsérer davantage de
personnes handicapées dans le monde du travail et d'autre part de
contribuer à résoudre le problème du financement de l'AI. Or,
aucune de ces promesses ne pourra être réalisée. Les mesures mises
en place par la loi se feront sur le dos des personnes handicapées
et portent une atteinte importante à leurs droits fondamentaux. Je
pense notamment à la possibilité pour les employeurs, les médecins
ou les proches de dénoncer ces personnes après quatre semaines
d'incapacité de travail. Il y a aussi la possibilité donnée aux
médecins de l'AI de lever le secret médical. Nous avons donc d'un
côté des mesures très dures vis-à-vis des handicapés et de l'autre
des promesses qui ne pourront pas être tenues. Cette réforme est
complètement déséquilibrée.

La dette de l'AI envers le fonds AVS dépasse les 9
milliards de francs. Il faudra bien endiguer les
dépenses...




Le système de détection précoce proposé entraînera plus de travail
pour les offices AI. On prévoit 500 millions de dépenses
supplémentaires, notamment pour l'engagement de personnel. Cela ne
garantit pas pour autant que plus de personnes soient réinsérées.
Par ailleurs, on nous promet qu'il y aura moins de nouvelles rentes
accordées. Mais depuis 2003, ce nombre a déjà diminué de 30%.
Actuellement, près d'une rente sur deux est refusée. Il est donc
permis de douter qu'on arrivera à baisser encore le nombre de
nouvelles rentes. La 5e révision ne va pas contribuer à
l'assainissement de l'AI. Il faut un financement additionnel, que
le Parlement ne cesse de repousser. D'un côté on nous demande
d'avaler un certain nombre de couleuvres, mais de l'autre nous
n'avons même pas la garantie qu'une solution sera trouvée pour le
financement à long terme de l'AI.



Faire primer la réinsertion professionnelle sur la rente,
c'est un progrès, non?




Le texte institue des devoirs pour les personnes handicapées, mais
aucun droit vis-à-vis de ces mesures. Il n'y a surtout aucune
mesure d'incitation réelle pour les patrons. Aujourd'hui les
employeurs de bonne volonté se voient sanctionnés financièrement.
Dans la mesure où les personnes handicapées représentent 10% de la
population, mais seulement 0,8% des places de travail, on voit bien
où se situe le problème.



C'est justement pourquoi la loi prévoit des allocations
aux entreprises...




Les quelques mesures prévues sont soumises à tellement de
conditions que leur application sera forcément très limitée. Par
rapport au système actuel, la 5e révision ne résout rien, notamment
en ce qui concerne l'augmentation des primes LPP ou d'assurance
d'indemnités journalières en cas de maladie. Les institutions sont
hélas en droit de procéder à ces augmentations pour "compenser" le
risque accru présenté par les personnes atteintes dans leur santé.
Du reste, il arrive aussi souvent que ces assurances émettent une
réserve ou même refusent toute couverture. C'est alors à
l'employeur de supporter une partie du risque. La révision ne
répond vraiment pas aux attentes.



Quelles alternatives proposez-vous?



On pourrait imaginer un système de quota souple, modérément
contraignant, qui concernerait d'abord la fonction publique. En
dessous d'un certain pourcentage de personnel avec un handicap, il
s'agirait d'engager, à compétences similaires, une personne
handicapée. Il est normal que les collectivités publiques donnent
l'exemple au secteur privé, ce qu'elles ne font pas pour l'instant.
Sur environ 40'000 fonctionnaires fédéraux, seuls 215 postes sont
occupés par des personnes handicapées.



On a vu beaucoup de personnes en chaise roulante durant
votre campagne, alors que le tour de vis de la 5e révision concerne
surtout les personnes avec un handicap psychique...




Représenter une personne avec un handicap psychique est plus
difficile. Mais nous n'avons pas montré que des personnes en
fauteuil roulant. Par ailleurs, si les personnes avec un handicap
psychique sont effectivement visées en premier chef par cette
réforme, elles ne sont pas les seules concernées. L'ensemble des
personnes handicapées est concerné par cette révision, et à plus
d'un titre. D'abord par la logique de stigmatisation de l'ensemble
des handicapés, qui est celle de l'UDC. Il y a ensuite des mesures
d'économie comme la suppression du supplément de carrière,
l'abandon des mesures médicales de réadaptation professionnelle ou
la fin des rentes complémentaires pour le conjoint qui nous
concernent tous. En fin, la possibilité de rembourser à forfait les
moyens auxiliaires - et non plus sur la base des coûts réels -
touche de plein fouet les personnes physiquement handicapées.



Propos recueillis par Rachel Antille (Swisstxt)

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La 5e révision en bref

Dernier scrutin fédéral avant les élections d'octobre, la 5e révision de l'assurance invalidité échauffe les esprits. Sur le fond, personne ne conteste l'urgence du problème: le déficit annuel de l'AI s'élève à plus de 1,5 milliard de francs et son endettement dépasse les 9 milliards. C'est sur les mesures à prendre que les avis divergent.

Les opposants au projet dénoncent un démantèlement social. Pour les partisans, le nouveau dispositif sera plus juste parce qu'il vise avant tout à maintenir les personnes handicapées en emploi. Le peuple tranchera le 17 juin. Le but de la 5e révision est de réduire, à terme, les dépenses de l'assurance d'un demi milliard de francs.

La réforme est axée sur le principe de la "réintégration avant la rente". Il s'agit de maintenir les personnes atteintes dans leur santé aussi longtemps que possible dans la vie active afin de freiner le nombre de nouveaux rentiers.

Parmi les mesures prévues: la détection précoce et des mesures d'intervention rapide. Une définition plus restrictive de la notion d'invalidité limitera les cas. Les personnes souffrant de troubles psychiques seront davantage concernées que les handicapés physiques.

Parallèlement, des allocations et des indemnités sont prévues pour inciter les employeurs à embaucher des personnes handicapées. Ces mesures n'introduisent pas de quotas à l'embauche.

Les dépenses seront également réduites par la suppression de diverses prestations. Le supplément de carrière, par exemple, passerait ainsi à la trappe.

Avec la 5e révision, la rente sera calculée sur la base du dernier gain réalisé, sans tenir compte des perspectives professionnelles de l'intéressé avant sa mise à l'AI. Les rentes complémentaires octroyées à quelque 80'000 personnes qui prennent soin de leurs conjoints invalides disparaîtront aussi.

Ce démantèlement opéré sur le dos des "plus faibles" a fait bondir 2 petites organisations de personnes handicapées (Cap-Contact et Centre pour la vie autonome) qui ont déposé un référendum.

Le lancement du référendum n'est pas allé de soi, le comité directeur du PS hésitant à se lancer. Il l'a finalement fait sous la pression de sa base. Outre les sacrifices imposés aux invalides, les opposants reprochent à la réforme de ne comporter aucune obligation ni incitation "sérieuse" à engager des handicapés. Autre point noir, le financement additionnel nécessaire pour désengorger l'AI est loin d'être réglé.