Le soleil de cette matinée de juillet attire la foule. Sous le Birsigviadukt, la file d'attente s’allonge. Grands-parents, petits-enfants, familles, poussettes, touristes. Tous patientent pour entrer au Zolli, le zoo de Bâle. On vient voir les manchots, les girafes ou les grands singes.
"Nous sommes en vacances. On visite la Suisse, étant donné que nous ne sommes pas partis à cause de la pandémie. Le zoo de Bâle est très réputé", lance une touriste romande.
Comme beaucoup, elle est venue observer Heri, Maya, Rosy et Jack. Les éléphants. Leur enclos est emblématique de la nouvelle philosophie du lieu. 5300 m2 de paysage inspiré par la savane, avec en toile de fond le sommet des immeubles de l’Oberwilerstrasse.
"Dans la nature, les animaux passent leur temps à chercher de l’eau ou de la nourriture", explique le directeur du zoo de Bâle, Olivier Pagan. "Nous avons donc disposé 120 caches pour la nourriture. Il y a également des ballots de foin au bout de bras articulé. Un ordinateur décide quand ils sont accessibles. Le système fonctionne de jour comme de nuit. Les éléphants ne s’ennuient plus."
Comment on fait les bébés ?
Comment justifier d’avoir des éléphants en pleine ville de Bâle? Par souci pédagogique. Car l’objectif n’est plus de collectionner les animaux, mais de présenter des thématiques au travers de pavillons. Concrètement, les kangourous vivent dans un espace qui héberge des animaux ayant développé une stratégie de reproduction particulière.
Les petites têtes des marsupiaux qui sortent des poches attirent les enfants. Ainsi ils découvrent, à côté, le talégalle de Latham et son énorme nid ou encore le python vert qui conserve ses oeufs dans ses anneaux.
"Nous faisons une éducation ‘sous-cutanée’", précise Olivier Pagan. "Les visiteurs doivent avoir du plaisir à venir au zoo. Notre travail est de réussir à faire passer un savoir sur les animaux."
Rafaël Lambert, biologiste et vulgarisateur scientifique à Bordeaux, croit à la force éducative du zoo. Il a, par exemple, découvert la problématique de l’huile de palme en faisant une visite. "Je pense que le visiteur vient plutôt pour le spectacle, pour s’émerveiller. Le zoo est un spectacle de masse. Mais il peut sensibiliser et éduquer des gens qui ne se lèveront pas à l'aube pour partir en forêt."
Les zoos sont les ambassadeurs d’un monde en péril, estime Caspar Bijleveld, directeur du Papiliorama à Chiètres, membre de l’association ZooSuisse.
"Les zoos sont des centres de connaissances. Au 21e siècle, nous sommes arrivés dans une période de grande extinction. Sur les 33'000 espèces surveillées par l’Union internationale pour la conservation de la nature, 30% sont au bord de l’extinction". Plus de 350 millions de dollars sont dépensés chaque année par les zoos pour des programmes de conservation de la nature.
Prison pour animaux ?
Chez les défenseurs des droits des animaux, on véhicule l’image du zoo comme une prison pour animaux. Ils perdent leur instinct et les visiteurs ne verraient que des animaux perturbés. Sans y voir des centres de maltraitance pour les animaux, le coprésident des jeunes Verts suisses, Oleg Gafner, questionne l’idée du zoo.
"L’enfant va au zoo pour voir des peluches vivantes. Sur les 380 espèces du zoo de Zurich, 42 sont au bénéfice d’un programme spécialisé pour la conservation. Est-ce nécessaire d’avoir les 340 autres espèces?".
Par essence, le zoo gagne de l’argent en présentant des animaux. Alors la préservation de la nature comme alibi au divertissement? "Avec un grand zoo, vous ne faites pas d’argent!", affirme Olivier Pagan.
Pas une activité rentable
"Le zoo de Bâle est dépendant des dons à raison de 6 à 8 millions par année. Nous devons rester attractifs pour pouvoir garder notre public. Mais il s’agit de montrer la réalité des animaux". Finis les guépards qui se promènent en laisse dans un zoo ou les spectacles de perroquets qui font du vélo.
Pour rester attractif et mieux s’occuper de ses pensionnaires, le zoo doit en permanence investir. "Un zoo n’est jamais terminé. Il est constamment en transformation. Les connaissances biologiques évoluent et nous permettent d’améliorer nos enclos". Actuellement le pavillon des oiseaux de Bâle est en travaux. Coût de l’opération 20 millions.
Tous ces aménagements coûtent cher. Et depuis le coronavirus est passé par là. Le zoo de Bâle estime ses pertes à 3 millions et demi pendant les 82 jours de sa fermeture. Il y a eu très peu de chômage technique. Les soigneurs doivent en permanence s’occuper des animaux.
Conséquence, les prochains investissements pourraient prendre du retard.
Pascal Wassmer