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Certains cantons refusent de payer le matériel médical livré par l'armée

Plusieurs cantons contestent la facture en biens médicaux transmise par l’armée (vidéo)
Plusieurs cantons contestent la facture en biens médicaux transmise par l’armée (vidéo) / L'éclairage d'actualité / 4 min. / le 29 juillet 2020
Au cœur de la pandémie, l’armée avait effectué des achats massifs de masques, gants, blouses et appareils respiratoires à l'attention des cantons. Mais certains refusent aujourd'hui de payer la facture, jugée trop élevée et incohérente.

Depuis le mois de mai, les cantons et l'armée n’arrivent pas à s’entendre sur cette facturation. Il leur est impossible de se mettre d'accord sur qui doit payer pour ce matériel initialement acheté par l’armée et ensuite livré aux cantons; sur qui doit payer quel matériel et pour quel montant. Conséquence: le paiement de certains équipements est suspendu aux résultats de négociations qui sont toujours en cours avec l’armée.

Le 11 mai dernier, la pharmacie de l’armée a présenté aux cantons une première liste de prix qui a suscité un tollé général. Une deuxième version leur a été envoyée le 8 juin, mais ces nouveaux tarifs n’ont pas vraiment apaisé les cantons.

On peut citer en exemple les 1200 appareils respiratoires que l'armée a achetés à l’entreprise grisonne Hamilton. Près de 650 de ces T1 military, destinés avant tout à un usage militaire, ont été livrés aux cantons suivant les besoins qu’ils avaient communiqués.

L’armée a proposé initialement un prix de location à la journée de 440 francs par respirateur ou un prix forfaitaire de 44'000 francs. Puis ces barèmes ont été revus à la baisse: Berne demande désormais 10'000 francs pour la location d’un respirateur ou 30'000 francs si le canton veut l’acheter, selon cette liste de prix du 8 juin dernier obtenue par la RTS en vertu de la loi sur transparence.

Prix des biens médicaux à l'attention des cantons. [admin.ch]
Prix des biens médicaux à l'attention des cantons. [admin.ch]
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"Neuchâtel n'a pas l'intention d'honorer ce prix-là"

Mais cela reste trop cher pour les cantons, qui dénoncent tout le procédé de financement. "Il nous pose problème évidemment, dans la mesure où ces prix n'étaient pas annoncés avant leur mise à disposition", explique le conseiller d'Etat neuchâtelois Laurent Kurth mercredi dans La Matinale.

"Ce matériel n'a pas été utilisé et ce n'est pas du matériel qui peut être réutilisé de façon standard dans l'activité ordinaire d'un hôpital", poursuit-il. "Donc, assez clairement, le canton de Neuchâtel n'a pas l'intention d'honorer ce prix-là pour du matériel qu'il n'a pas utilisé".

Au cours de son enquête, la RTS a effectivement découvert que beaucoup des respirateurs commandés auprès de l’armée n’ont tout simplement pas servi. Et aujourd’hui le Valais, Fribourg, et Neuchâtel refusent de payer les appareils restés dans leur emballage. Ils prévoient d'ailleurs d'en rendre une très grande partie à l'armée.

Clairement une mission de crise de l'armée

Les cantons avancent encore un autre argument: quand l’armée intervient à titre subsidiaire lors de catastrophe naturelle, elle ne facture pas son intervention. "Le Conseil fédéral s'est exprimé très clairement en disant que les structures communales et cantonales n'avaient pas droit, dans toute une série de domaines, aux aides fédérales qui étaient prévues et réservées aux acteurs privés, renvoyant à leurs responsabilités chacune des collectivités", fait remarquer Laurent Kurth.

"L'armée, c'est clairement le niveau fédéral", rappelle-t-il. "Et par conséquent son intervention, quand elle intervient dans ce que l'on reconnaît comme sa mission de base, celle du renfort en cas de crise aux entités civiles, doit être assumée par le budget fédéral dans une logique plus de cohérence que de confrontation entre les intérêts cantonaux et les intérêts fédéraux".

De l'avis du canton de Vaud, la Confédération devrait effectivement prendre en charge la totalité ou du moins une partie des coûts.

Berne veut se défaire de ses respirateurs

De son côté le Département fédéral de la défense (DDPS) part du principe que les appareils commandés par les cantons resteront chez eux. Dans un email, le DDPS précise que des respirateurs seront repris uniquement "dans des cas exceptionnels justifiés". En clair, tout renvoi de ces appareils doit être mûrement réfléchi et argumenté, notamment dans la perspective d'une deuxième vague de la pandémie, avertit l'armée.

Quant aux critiques cantonales sur les prix des respirateurs, le DDPS indique qu’il compte bien encaisser les 10'000 francs pour la location d'un appareil, même s'il n'a pas servi. Sur le prix de vente, le département précise que les 30'000 francs proposés comprennent déjà plusieurs rabais, celui du fabricant plus un geste de presque 11'000 francs de la Confédération. En clair, Berne vend ces respirateurs à perte pour éviter de se retrouver avec des centaines d'appareils renvoyés par les cantons. 

Les besoins des cantons surévalués?

Cette situation pose la question de la quantité de biens médicaux achetée au début de la pandémie. Dans l’urgence et par précaution, l’armée a-t-elle surévalué les besoins des cantons? Les avait-elle consultés avant de commander notamment 1200 respirateurs et des centaines de millions de masques?

Pour l’heure, il est difficile de le savoir. Le DDPS prépare un rapport sur ses différents achats. Il sait aussi à quel point ces dépenses en matériel sont observées de très près par le Parlement.

Marc Menichini/oang

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