La pandémie n’a pas fini de faire des ravages dans le monde de l’aviation. Boeing l’a annoncé mercredi: le constructeur américain va encore réduire la production de ses avions, et son rival européen Airbus vient d'en faire de même. Au premier semestre 2020, il a livré deux fois moins d'avions que l'année dernière.
Les deux constructeurs ont déjà annoncé des réductions massives d'effectifs qui provoquent beaucoup de remous dans les pays voisins de la Suisse. Et celle-ci n’est pas complètement épargnée: la Suisse romande, notamment, compte des dizaines de petites et moyennes entreprises qui produisent des pièces pour les avions.
"L'impact est drastique"
"Pour nous, l'impact est drastique. On travaille pour les motoristes qui livrent aux avionneurs. On avait la chance d’être sur des marchés très porteurs: les motorisations des nouveaux Airbus A320 NEO et Boeing 737 MAX. Il est clair que l’impact sur les affaires de l’entreprise est de l’ordre de 30%", a confié dans La Matinale jeudi Nicolas Lavarini, patron de la société Jean Gallay à Genève.
L’impact sur les affaires de l’entreprise est de l’ordre de 30%
L'entreprise n'a pas encore procédé à des licenciements collectifs – juste à quelques ajustements, dit-elle – faute de visibilité suffisante. Il y a encore trop d'incertitudes. Pour l'heure, ses 200 employés à Plan-les-Ouates ont réduit leur temps de travail et bénéficient des indemnités de RHT, le chômage partiel. "Les périodes de budget arrivant à l’automne, on devra quand même se poser des questions. Est-ce qu'on prend le risque de continuer la RHT, ou est-ce qu'on se sépare d’une partie de notre personnel? On va se donner encore un peu de temps pour y réfléchir", annonce Nicolas Lavarini.
Jusqu'ici, l'entreprise britannique Meggitt est l’une des seules à avoir prononcé un licenciement collectif, une trentaine d’emplois sur 500 à Villars-sur-Glâne (FR). Elle fabrique entre autres des capteurs pour les moteurs d'avions. Les autres sous-traitants romands utilisent encore le chômage partiel et attendent l’automne pour prendre, le cas échéant, des décisions plus radicales, a indiqué à la RTS leur faîtière, le Groupement romand pour le matériel de défense et de sécurité.
Miser sur la diversification
Pour tenir le coup jusqu'à que l'aéronautique puisse enfin se relever de la crise du Covid-19, les sous-traitants misent sur la diversification. "Avant même la crise, on avait prévu de se diversifier dans d’autres secteurs, comme le ferroviaire ou le médical. On travaille d'arrache-pied pour essayer de compenser cette baisse avec ces autres secteurs", explique le patron de l'entreprise Jean Gallay, dont 85% des activités se situent dans l'aéronautique.
La plupart des sous-traitants romands ont heureusement déjà un portefeuille varié, à l'instar de Systems Assembling à Boudry. Active dans l'électro-technique, elle traverse cette période sans difficulté grâce à ses autres débouchés, notamment dans le domaine médical. Pour toutes ces sociétés, pas question d'abandonner complètement l'aéronautique pour autant. Le secteur a été très porteur jusqu'ici et les sous-traitants ont mis des années pour y entrer, se faire accepter et certifier.
Le salut par les avions de combat?
S'ils sont convaincus que le marché de l'aviation civile repartira un jour, c'est un autre espoir qui les anime à court terme: les avions de combats. Le vote du 27 septembre est crucial pour le secteur, martèle Markus Niederhauser, patron de Systems Assembling et président du Groupement romand pour le matériel de défense et de sécurité (GRPM). Si les Suisses approuvent l’achat d'avions pour 6 milliards de francs, ils garantissent à l’industrie suisse une enveloppe qui pourrait atteindre les 3,5 milliards, sous forme d'affaires compensatoires.
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"A L'époque, il était obligatoire qu'un grand pourcentage des appareils soit fabriqué en Suisse. Aujourd'hui, ces objets sont tellement complexes que le marché est à 100% à l’étranger. Mais on oblige le fournisseur à compenser avec des affaires en Suisse", explique Markus Niederhauser. Que ce soit Airbus, Boeing, Dassault, ou Lockheed-Martin, l’entreprise qui remportera l’appel d’offre et ses partenaires seront tenus de réinvestir 60% de la somme en Suisse, un investissement qui pourrait représenter plus d'un milliard en Suisse romande. "Cela pourrait aider certaines sociétés à dépasser cette période difficile et à ne pas prendre de décisions de licenciement", estime ainsi le président du GRMP.
Nicolas Lavarini le confirme, le vote du 27 septembre lui offrira une bouffée d'oxygène. Il en veut pour preuve l'achat des F/A-18 dans les années 90: outre l'impact direct des affaires compensatoires sur son chiffre d'affaire, cette commande lui a ouvert de nouvelles portes et assuré un bond technologique.
Sujet radio: Sandrine Hochstrasser
Adaptation web: Vincent Cherpillod