A la rentrée de septembre, le canton de Genève va lancer une consultation sur l’urbanisme de demain. Elle part d'un constat d'échec: après quatre refus populaires de densification en moins d'un an, les autorités veulent désormais mener une vaste réflexion sur le développement futur.
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Le malaise semble aujourd'hui patent entre des pouvoirs publics qui tentent de répondre à la demande de logements et une population urbaine qui souvent dit stop aux immeubles et à la densification. "Ces deux valeurs sont tout à fait légitimes. Il faut continuer à construire, mais en même temps faire très attention à l'environnement. Elles sont très souvent présentées comme antagonistes. L'un des grands enjeux de notre époque est de parvenir à les mettre ensemble", a résumé jeudi dans La Matinale de la RTS Bruno Marchand, professeur de théorie de l’architecture à l'EPFL, qui est aussi urbaniste et expert indépendant.
Fini la solution de facilité de la zone agricole
Si la période actuelle est difficile, c'est aussi parce que l'adoption de la révision de la Loi sur l'aménagement du territoire a rendu les choses plus difficiles qu'avant. Jusqu'ici, les nouvelles constructions s'élevaient essentiellement sur les zones agricoles, des terrains faciles à développer. Cette pratique généralisée n'est plus possible aujourd'hui.
Il y a eu un changement très fort du paysage quotidien des gens. Ils ont vécu un développement effréné dans les centres urbains. Il faut maintenant les rassurer
"Il va falloir qu'on se recentre en ville, où les difficultés sont plus nombreuses. Le grand problème qu'on a, c'est qu'il y a eu un changement très fort du paysage quotidien des gens. Ils ont vécu un développement assez effréné dans les centres urbains, avec notamment le côté négatif du bruit et d'une mobilité devenue très forte. Il faut maintenant les rassurer", explique Bruno Marchand. La densification est d'autant plus difficile à faire passer que, traditionnellement, la Suisse est composée de villes basses, petites, qui ont refusé le modèle de la métropole. "On va aisément à New York, on adore, mais quand on revient chez soi, on ne veut pas de tours autour de chez soi", illustre l'expert.
La verdure, de l'embellissement à la nécessité
Pourtant, "construire des maisons individuelles va devenir de plus en plus difficile", estime-t-il. Pour lui, la question de l'économie du sol va nécessairement mener à une forme de verticalité pratiquement obligatoire. "Le grand problème est de faire ça bien. Il faut éviter une rupture, trouver une continuité qui est comprise". La crise du Covid-19 devrait quelque peu changer la donne, avec davantage de télétravail est donc un peu moins de mobilité. Un recentrement sur les relations de voisinage est aussi possible.
Il y a beaucoup d'arbres dans les nouveaux projets, mais ils sont petits car souvent placés sur les dalles des garages. L'étalement des voitures en sous-sol pose vraiment problème
Pour le professeur de théorie de l’architecture à l'EPFL, il y a néanmoins de gros efforts à faire en matière de verdure. "Avant, on voyait la verdure comme un embellissement. De nos jours, c'est devenu une nécessité", notamment pour abaisser la température à l'intérieur des villes, remarque-t-il. Il insiste au passage sur la notion de pleine terre, qu'il estime très importante. "Il y a beaucoup d'arbres dans les nouveaux projets, mais ils sont petits car souvent placés sur les dalles des garages. Alors que l'emprise des bâtiments est, elle, assez réduite, l'étalement des voitures en sous-sol pose vraiment problème", constate Bruno Marchand.
Les grands parcs aux abonnés absents
Une ville plus verte passe notamment par la construction de grands parcs, à l'instar de ce qui s'est fait par le passé dans la plupart des grandes villes de Suisse. Or, de tels projets sont rares aujourd'hui. "Une ville qui se met à la verticale pour dégager de grands espaces verts est une idée qui devrait encore nous inspirer", avance l'urbaniste, qui concède avoir un faible pour certaines des réalisations de l'architecture moderne.
Une ville qui se met à la verticale pour dégager de grands espaces verts est une idée qui devrait encore nous inspirer
Un temps décriées, elles bénéficient aujourd'hui d'un retour en grâce auprès de leurs habitants, comme à Meyrin ou au Lignon (GE). "La notion de ville verte vient de nos architectes modernes!", souligne Bruno Marchand, même s'il concède que ces modèles sont aujourd'hui dépassés. Pour lui, les éco-quartiers constituent aujourd'hui un modèle plus prometteur.
Propos recueillis par Benjamin Luis
Adaptation web: Vincent Cherpillod