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Les stocks de nitrate d’ammonium, quels risques en Suisse?

Nitrate d'ammonium. Comment est-il stocké et quelles quantités transitent dans notre pays ?
Nitrate d'ammonium. Comment est-il stocké et quelles quantités transitent dans notre pays ? / 19h30 / 3 min. / le 6 août 2020
Au coeur de l'explosion de Beyrouth, le nitrate d'ammonium reste très utilisé dans l'agriculture suisse. Comment et où est-il stocké? Dans quelles quantités? Avec quels risques? Enquête.

Un stock mal entretenu de 2750 tonnes de nitrate d'ammonium serait à l’origine de l'accident de Beyrouth. Cette catastrophe n'est pas une première pour une substance dangereuse bien connue des agriculteurs. Elle a déjà provoqué plusieurs tragédies par le passé, dont l'explosion d'une usine chimique en 2001 à Toulouse, qui avait entraîné la mort de 31 personnes.

>> Lire aussi : Comment du nitrate est resté pendant 6 ans dans le port de Beyrouth

Qu'en est-il en Suisse? Où se situent les stocks et quelles quantités circulent dans le pays? Difficile d'obtenir une réponse officielle. Contactés, l'Office fédéral de l'environnement et les cantons ont refusé de répondre à ces questions.

Depuis que Lonza a arrêté en 2018 sa production à Viège (VS), le nitrate d'ammonium utilisé en Suisse est essentiellement produit à l'étranger. Les chiffres des douanes donnent ainsi un aperçu des quantités: 1600 tonnes de nitrate d'ammonium et 114'000 tonnes d'engrais à base de nitrate d'ammonium ont été importées l'année passée, principalement en provenance des Pays-Bas, d'Allemagne et de France. Ces chiffres ne tiennent pas compte d’éventuels anciens stocks et de la production en Suisse.

Péniches de nitrate d’ammonium sur le Rhin

D'après notre enquête, une grande partie du nitrate d'ammonium destiné à l'agriculture suisse arrive par le Rhin, à Muttenz (BL). Des péniches transportant environ 1000 tonnes d'engrais alimentent régulièrement l'entrepôt de Landor, du groupe Fenaco, leader du marché, qui exploite aussi les magasins Landi.

Ce dépôt, qui peut contenir jusqu'à 6000 tonnes d'engrais, est encadré par l'Ordonnance sur la protection contre les accidents majeurs (OPAM). Celle-ci s'applique à partir de 20 tonnes pour les engrais au nitrate d'ammonium et 200 tonnes pour ceux qui ne présentent pas de risque d'explosion. Les détenteurs de stocks sont alors tenus de respecter une série de normes strictes pour limiter les risques d’incendie, comme l’installation de compartiments coupe-feux et la séparation avec les matières combustibles.

Contacté, Fenaco indique importer du nitrate d'ammonium qui ne détonne pas, c'est-à-dire qui n'explose pas: "En Suisse, nous travaillons en quasi-totalité avec des nitrates d'ammoniaques à moyen dosage (27%) ce qui diminue à la base fondamentalement les risques par rapport à un nitrate d’ammoniaque à haut dosage qui se situe entre 33 et 34,5%."

Essentiel pour les milieux de l’agriculture

Après son passage à Muttenz, le nitrate d'ammonium prend la direction des fermes et des coopératives régionales à travers le pays. Quasiment chaque agriculteur en possède et les risques liés à cet engrais sont bien connus dans le milieu.

Mais pour Sébastien Pasche, agriculteur à Thierrens (VD) et membre du comité de Prometerre, le nitrate d’ammonium reste essentiel au rendement de ses cultures: "C'est l'une des trois choses dont les plantes ont besoin pour pousser avec le phosphore et de potassium."

L'agriculteur en utilise 15 tonnes par année, qu'il conserve au frais dans un local ventilé contre le danger d'incendie, loin d'autres produits inflammables comme les carburants. "L'engrais que nous utilisons en Suisse n'a quasiment aucune possibilité d'exploser", assure Sébastien Pasche.

“C’est un booster de feu”

Le chimiste Thomas Burgi de l’Université de Genève confirme que “si on dilue ce produit comme dans les engrais, cela devient moins dangereux. Il faut des conditions plus sévères pour avoir des dégâts. Parce que c'est dilué cela ne prend pas facilement feu, cela n'explose pas facilement.”

La substance devient toutefois dangereuse à partir de certaines températures. "C'est un booster de feu", poursuit Thomas Burgi. "S'il y a un feu qui existe déjà, cela le rend beaucoup plus violent". Ses propriétés en font l'un des principaux composants d'explosifs, utilisés entre autres pour déclencher les avalanches.

Est-ce qu'un accident comme celui de Beyrouth est possible en Suisse? "Je ne pense pas", répond le chimiste. "On stocke aussi des quantités conséquentes de ce produit parce qu'on a des engrais et explosifs, mais on respecte les normes donc je ne peux pas m'imaginer un tel accident en Suisse."

>> Le sujet de Forum sur le nitrate d'ammonium en Suisse :

Les stocks de nitrate d’ammonium, quels risques en Suisse? (vidéo)
Les stocks de nitrate d’ammonium, quels risques en Suisse? (vidéo) / Forum / 2 min. / le 6 août 2020

Valentin Tombez, Céline Brichet, Carole Pantet

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