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"Il y avait déjà un terreau fertile pour les manifs anti-racistes en Suisse"

L'invitée de La Matinale (vidéo) - Pamela Ohene-Nyako, afro-féministe, fondatrice de la plateforme Afrolitt
L'invitée de La Matinale (vidéo) - Pamela Ohene-Nyako, afro-féministe, fondatrice de la plateforme Afrolitt / La Matinale / 12 min. / le 11 août 2020
L'historienne et afro-féministe Pamela Ohene-Nyako estime que les manifestations anti-racistes qui ont eu lieu en Suisse au mois de juin ont pu mobiliser autant de personnes grâce à un contexte favorable. "Il y avait déjà de l'anti-racisme au niveau associatif et institutionnel", explique-t-elle.

Le meurtre de George Floyd, étouffé par un policier américain le 25 mai dernier, a créé un élan d'émotion mondiale, y compris à travers des rassemblements populaires qui ont réuni des milliers de personnes en Suisse romande pour dénoncer le racisme anti-noir.

"Aux Etats-Unis, la situation sanitaire et le confinement ont participé à lancer le mouvement de contestation. Ici, en Suisse, il y avait déjà un terreau fertile pour accueillir ça, des réflexions autour de l'afro-féminisme, du racisme anti-noir", souligne Pamela Ohene-Nyako, historienne de 29 ans, dans La Matinale.

Des cas de meurtres d'hommes noirs par les forces de l'ordre ont déjà eu lieu dans notre pays, rappelle-t-elle. "Il y a aussi eu des grandes mobilisations au niveau national l'année passée. Cela a démocratisé ou rendu plus accessible cette idée de descendre dans la rue pour se mobiliser."

Ouvrir le débat

La mobilisation internationale a aussi encouragé les Suisses à se réunir. "Ce qui est intéressant, c'est que ça aurait pu être simplement un mouvement de solidarité, où la base suisse s'indigne par rapport à ce qu'il se passe aux Etats-Unis. Mais étant donné qu'il y avait un terreau très établi qui combattait le racisme anti-noir en Suisse, on a réussi à réarticuler ça très rapidement dans un contexte suisse", assure Pamela Ohene-Nyako.

"C'est là qu'il y a eu un débat, à travers les médias, la prise de parole, et les réseaux sociaux. Cela a ouvert une discussion qui continue encore et c'est réjouissant", confie la fondatrice de la plateforme littéraire Afrolitt.

Racisme structurel

Selon l'historienne, le racisme structurel est bel et bien présent en Suisse. "Le racisme structurel, c'est cette idée que le racisme fait partie des structures de la société. Cela peut être dans les administrations, dans les écoles", relève-t-elle.

Un poids mental difficile à supporter. "Il peut y avoir des dépressions, car c'est une charge de vivre le racisme anti-noir au quotidien. En 2012, j'ai moi-même été prise en charge en psychiatrie, en ambulatoire. J'avais trop accumulé entre le racisme, le sexisme, tout ce que ça engendrait en moi", raconte Pamela Ohene-Nyako.

Celle-ci se décrit comme une afro-féministe. "Je suis née en Suisse d'une mère blanche et d'un père noir, mais la société m'a souvent vue comme noire. A partir de là, j'ai vécu du racisme anti-noir, mais étant femme j'ai vécu un racisme anti-noir lié à mon genre. Et j'ai aussi vécu des expériences simplement liées au fait que j'étais une femme."

Propos recueillis par Benjamin Luis

Adaptation web: Guillaume Martinez

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