Aucune décision n'a encore été prise, mais le scénario de la quarantaine est effectivement aujourd'hui envisagé par les autorités sanitaires suisses. Et les mesures prises par les cantons frontaliers sont en cours de discussion.
Contacté par la RTS, l'Office fédéral de la santé publique explique que la Confédération est actuellement en contact avec les autorités françaises et les cantons pour discuter de la façon dont ces mesures pourraient être appliquées.
Avec cette question centrale pour les prochaines semaines: faut-il considérer tout le territoire français comme une zone à risque ou seulement certaines régions qui seraient donc sous le régime de la quarantaine?
Peu de cas dans les régions frontalières
Dans l'Hexagone, l'épidémie est pour l'instant très hétérogène, avec des foyers en Seine-Saint-Denis ou dans le département des Bouches-du-Rhône. Dans les régions frontalières comme la Haute-Savoie ou le Haut-Rhin, les cas sont par contre peu nombreux.
Pour l'épidémiologiste Antoine Flahault, des mesures touchant toute la France s'apparenteraient à une véritable punition.
"La France teste deux à trois fois plus que nous. C'est donc logique qu'on trouve davantage de cas positifs. Avec cette logique de cas positifs par habitants, le risque serait de "punir" les pays qui dépistent le mieux, le plus systématiquement", a-t-il estimé dans le 12h30.
"Une application stricte serait absurde"
Pour le conseiller d'Etat genevois Mauro Poggia, les mesures associées à la liste des pays à risque, notamment la mise en quarantaine, ne seraient tout simplement pas réalisables pour les frontaliers:
"La mise des pays sur la liste rouge ne veut pas dire la fermeture des frontières. Cela veut dire que les personnes qui viennent de ces pays doivent être en quarantaine. On comprend bien qu'un travailleur frontalier ne peut pas être mis en quarantaine par une décision suisse qui ne s'applique que sur son territoire, d'autant plus que cette personne n'a par définition, pas de domicile en Suisse, mais en France."
Interrogé dans Forum, l'élu genevois estime donc qu'il serait absurde de procéder à une "application stricte". Et de préciser: "Lorsque les frontières ont été fermées, les travailleurs frontaliers de certains domaines, comme celui des soins, ont bénéficié d'exceptions. Si l'on applique les mêmes règles pour la liste de l'OFSP, qui va faire le tri? Va-t-on assister à des heures d'attente, le personnel soignant de France, dont nous dépendons, arrivera-t-il avec 3 heures de retard? C'est impensable".
"Il faut une gestion adaptée"
Egalement présent dans Forum, le maire de Divonne-les-Bains Vincent Scatollin abonde dans le même sens: "Cela aurait des conséquences sur la vie de notre cité, sur nos habitants, sur nos frontaliers mais aussi sur le tourisme de notre commune (...) La vie économique serait à nouveau touchée, après des mois de confinement difficiles".
L'élu français estime par ailleurs lui aussi qu'il serait "injuste" de punir les régions frontalières, qui sont globalement moins touchées.
"Ce serait injuste d'être touché de la même manière que d'autres régions où il y a plus de cas. Je pense qu'il est essentiel d'avoir une gestion adaptée aux territoires qui sont concernés et qui touchent la Suisse."
Vers un ajustement des normes?
D'où l'idée d'ajuster ces normes en fonction d'autres critères comme la prise en charge des malades, le traçage et le respect des mesures d'hygiène.
Toutes ces questions seront abordées ces prochains jours en fonction de l'évolution de l'épidémie en Suisse et à ses frontières.
ther avec Sophie Iselin
"Nous sommes en contact étroit avec la Confédération"
Invité du 19h30, le ministre jurassien de l'Economie et de la Santé Jacques Gerber décrit également une situation inédite, où il sera "extrêmement difficile à appliquer" ce genre de mesures, du fait de la proximité et de l'interdépendance qui existent entre la Suisse et la France.
"La Confédération, avec laquelle nous sommes en contact étroit, travaille à trouver des solutions", explique-t-il.
Et d'ajouter: "Nous attendons évidemment des précisions. Au niveau des travailleurs bien sûr mais aussi du tourisme alimentaire ou encore des agriculteurs."