"Les femmes sont les premières victimes de la libre circulation. Nous avons en Suisse environ 830'000 personnes en sous-emploi. Cela représente 73,6% de femmes", a déclaré Céline Amaudruz dans La Matinale du 27 août.
Par travailleurs en sous-emploi, on entend les personnes ayant une activité professionnelle à temps partiel, qui souhaitent augmenter leur taux de travail et qui sont immédiatement disponibles.
En 2018, 7% des personnes actives en Suisse étaient en sous-emploi, selon les données de l'Office fédéral de la statistiques. Parmi elles, 73,6% étaient effectivement des femmes. Un taux qui a très légèrement augmenté en 2019, pour atteindre 73,9%.
Pas de lien avéré avec la libre circulation
Mais contrairement à ce qu'affirme l'élue genevoise, il ne semble pas y avoir de lien avéré entre le sous-emploi des femmes et la libre circulation des personnes. L'OFS ne disposant de données sur le sous-emploi que depuis 2004, il est toutefois impossible de comparer la situation avant et après l'ouverture des frontières en 2002. "Je n'ai pas connaissance d'une étude statistique solide qui aurait démontré ce lien", rapporte Marius Brülhart, professeur d'économie à HEC Lausanne.
De son côté, José Ramirez, professeur à la Haute école de gestion de Genève, est plus catégorique: "Le fait que les femmes se trouvent davantage en temps partiel que les hommes n'est en tout cas pas lié à la migration."
Et l'économiste d'ajouter: "C'est avant tout lié à l'organisation au sein des ménages. Encore aujourd'hui, en Suisse, on est dans une forme de caricature où l'homme travaille à plein temps et où la femme, si elle travaille, le fait plutôt à temps partiel. Car elle doit s'occuper des tâches domestiques et familiales." A noter que le sous-emploi en Suisse touche, en effet, surtout les femmes qui ont des enfants, d'après les données statistiques.
Plus de 350'000 personnes en sous-emploi
Le chiffre de 830'000 personnes en sous-emploi, également avancé par Céline Amaudruz, est toutefois erroné. Ce total correspond en fait au "potentiel de forces de travail non utilisées en Suisse", selon les termes de l'OFS.
Il comprend en réalité 356'000 personnes en sous-emploi. Le reste concerne 231'000 chômeurs et 243'000 individus qui sont à la recherche d'un emploi, mais qui ne sont pas disponibles dans l'immédiat.
La Suisse championne du sous-emploi
La Suisse est particulièrement concernée par le sous-emploi: elle détient le record européen en la matière, se situant largement au-dessus de la moyenne de l'UE (3,4%). Dans le haut du tableau, on trouve également l'Espagne (5,6%), Chypre (5,4%) et la Grèce (5,2%). A l'inverse, la Hongrie (0,7%), la Bulgarie (0,6%) et la République tchèque (0,4%) occupent le bas du classement.
Dans tous les États membres de l'Union européenne et de l'Association européenne de libre-échange (AELE) - Roumanie exceptée - le taux de sous-emploi des femmes est supérieur à celui des hommes.
Mathieu Henderson et Cléa Favre