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"Aujourd'hui, la Suisse ne teste pas assez. Elle doit se réveiller"

Didier Pittet, chef du service de prévention et contrôle de l’infection (HUG) (vidéo)
Didier Pittet, chef du service de prévention et contrôle de l’infection (HUG) (vidéo) / La Matinale / 8 min. / le 8 septembre 2020
Faut-il diminuer la durée de la quarantaine? La question a été posée lundi au Conseil fédéral par les ministres cantonaux de la santé. Pourquoi pas, estime le médecin Didier Pittet, invité mardi dans La Matinale, mais à condition d'augmenter le nombre de tests effectués.

Avant de prendre une quelconque décision pour réduire la durée d'isolation des cas suspects, le chef du service de prévention et contrôle de l’infection aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) insiste: il faut disposer de données suffisantes pour connaître l'efficacité de la mise sous quarantaine.

"On ne pourra pas s'en sortir sans faire des tests, estime Didier Pittet sur l'antenne de la RTS. A Genève, par exemple, on sait que 25% des personnes mises sous quarantaine se révèlent positives. Mais pour réduire la durée, il faut que la décision soit basée sur de l'information, elle-même générée par les pouvoirs publics".

Des réunions qui n'ont jamais eu lieu

Toutes ces décisions auraient pu être prises plus tôt, selon Didier Pittet. Il évoque notamment des réunions demandées par les experts scientifiques au mois de juin pour réunir tous les acteurs concernés à l'échelle romande afin de décider d'une stratégie de tests, en particulier de dépistage. Celles-ci n'ont jamais eu lieu, précise-t-il.

"Le politique décide en quelques heures, en quelques jours, mais je n'ai pas entendu de positionnement de la task force suisse, par exemple. Je pense qu'il faut solliciter un avis scientifique sur cette question de la durée de la quarantaine, comme l'a fait le ministre français de la Santé Olivier Véran, en demandant au Conseil scientifique de valider cette décision. On ne peut pas jouer au poker avec un virus", précise le médecin genevois.

La France fait-elle dès lors mieux que la Suisse dans la gestion de la pandémie? "Par rapport à la stratégie de tests, oui. Aujourd'hui, en Suisse, on ne teste pas assez. Elle doit se réveiller à ce niveau", assène-t-il.

Le masque comme solution des cantons

Pour raccourcir la durée de la quarantaine, certains cantons proposent l'obligation du port du masque pour les personnes concernées, notamment celles qui rentrent d'une zone à risque. "C'est une option, mais c'est exagérer la capacité du port du masque de limiter la transmission", répond l'infectiologue genevois.

"Eviter une contamination se fait par la distance sociale et l'hygiène des mains, rappelle-t-il. Malheureusement, le masque est tellement politisé aujourd'hui qu'on oublie que l'essentiel de la transmission se fait par les mains".

"Les hospitalisations réapparaissent"

Depuis un certain temps, la population adhère moins aux mesures sanitaires préconisées, notamment en raison du nombre moins important d'hospitalisations.

De quoi alerter Didier Pittet: "La situation n'a rien à voir avec celle que nous avons connue au printemps. Mais je ne voudrais pas dire: 'Rassurez-vous', parce que ça serait mal venu. Les hospitalisations commencent à réapparaître. Nous sommes probablement dans la même situation qu'au moins de février, sauf que nous ne connaissions pas la réalité du nombre de cas positifs. Si l'on ne revient pas aux mesures barrières, on va se retrouver dans la même situation qu'au mois de mars", s'alarme-t-il.

Propos recueillis par Romaine Morard

Adaptation web: Jérémie Favre

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"Faire attention avec la fermeture des écoles en excès"

De plus en plus d'enfants en crèche ou scolarisés sont renvoyés chez eux au moindre symptôme. Cette situation est compliquée à gérer pour les parents qui doivent immédiatement aller chercher leur progéniture. C'est aussi un casse-tête pour les employeurs qui jouent le jeu dans une certaine mesure.

La loi est claire en ce qui concerne un enfant malade: l'employé a droit à trois jours de congé pour le garder, ou pour trouver des solutions. C'est moins évident en cas de mise en quarantaine d'un enfant ou de fermeture d'une classe, comme cela a été le cas dans plusieurs établissements genevois, neuchâtelois ou vaudois.

Le professeur Didier Pittet estime "qu'il faut faire attention aux fermetures d'écoles en excès", rappelant que la mesure est surtout faite pour protéger les gens qui les entourent, mais aussi qu'il y a peu de dégâts chez les petits.

Dans La Matinale, l'infectiologue explique qu'il a rencontré plusieurs chefs d'entreprises internationales à travers sa mission pour Emmanuel Macron en France. "Ils sont formels, dès que les enfants ne vont plus à l'école, il y a immédiatement un impact sur la productivité de l'entreprise".

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Les femmes pourraient tirer avantage de l'après-confinement. [KEYSTONE - Christian Beutler]KEYSTONE - Christian Beutler
Quand les enfants se retrouvent à la maison en quarantaine / La Matinale / 3 min. / le 8 septembre 2020