Réduire l'utilisation de produits phytosanitaires dans l'agriculture, sans mettre en péril la production de fruits et légumes: la sélection végétale vise à créer de nouvelles variétés de pommes de terre, de raisins ou de betteraves suffisamment résistants pour éviter d'utiliser des pesticides.
A Changins, l'Agroscope - le centre de compétences de la Confédération pour la recherche agricole - travaille sur de nouvelles variétés de blé. "Environ 80% des blés produits en Suisse sont issus de notre programme de sélection", indique le spécialiste Dario Fossati.
La démarche consiste à polliniser manuellement différents types de cette céréale pour créer une nouvelle population de blé, plus résistante. Le processus est long: il faut compter environ sept ans d'adaptations et d'améliorations avant de pouvoir mener des tests à grande échelle. "On fait des essais en plein champ dans plusieurs régions en Suisse pour voir si les qualités sont stables", explique le chercheur.
Anticiper l'agriculture 15 ans à l'avance
Lorsqu'on lui demande s'il joue avec Dame Nature, Dario Fossati objecte. "Nous ne sommes pas apprentis-sorciers mais devins. On essaie juste d'accélérer l'évolution pour lui donner un petit avantage sur les pathogènes qui, eux non plus, n'oublient pas d'évoluer."
Pourquoi devin? "Lorsque je fais mes croisements, je dois pronostiquer comment sera l'agriculture dans 12 à 15 ans." Avec le changement climatique, cela devient de plus en compliqué. Les récoltes de blé en Suisse se font 20 jours plus tôt qu'il y a 40 ans. "Heureusement qu'il y a la sélection, car pour l'instant elle arrive à compenser (les effets du réchauffement)", indique le scientifique.
Mais, souligne-t-il, la sélection végétale n'est toutefois pas la panacée: "Il y a plein de maladies qu'on maîtrise très bien et d'autres pas."
Méthode sans OGM
Dario Fossati insiste: son métier n'a rien à voir avec la création d'OGM (organismes génétiquement modifiés). "Le sélectionneur ne peut qu'assembler l'existant. Les OGM ne sont pas une voie que l'on peut poursuivre. Ils ne sont pas acceptés par la population."
Et de rappeler que les recherches menées à l'Agroscope sont financées par des fonds publics. "On fait de la sélection pour l'agriculteur, le meunier, le boulanger et le consommateur. Ceux qui se trouvent être des citoyens et nos payeurs."
Mathieu Henderson et Camille Degott