La ministre allemande de la Justice Brigitte Zypries s'en est
fortement prise à Dignitas dans une colonne libre parue dimanche
dans le journal allemand "Bild am Sonntag". La sociale-démocrate
s'est dite profondément irritée que l'association suisse
d'assistance au suicide ait aidé deux Allemands à mourir.
"Contrat avec la mort"
Sans domicile fixe suite aux oppositions des communes et des
habitants, Dignitas s'est retrouvée fin octobre sur un parking en
bordure de route, dans la commune zurichoise de Maur. Là, elle a
aidé à mourir deux Allemands de 50 et 65 ans, l'un dans un
camping-car et l'autre dans un van. Ce fait a soulevé une vague
d'indignation en Allemagne.
Cette nouvelle est profondément irritante, a écrit Brigitte
Zypries. "Des personnes désespérées en grande détresse morale ou
physique ne veulent pas conclure un contrat avec la mort", a estimé
la ministre sociale-démocrate.
L'Allemagne n'a pas besoin d'organisations "qui donnent des moyens
de mourir aux personnes fatiguées de la vie, mais au contraire des
installations dans lesquelles les personnes en fin de vie sont
traitées avec respect, sollicitude et aide", a-t-elle encore
écrit.
Vives réactions
Ce n'est pas la première fois qu'un politicien allemand réagit
fermement aux actions de Dignitas. La semaine passée, le socialiste
Dieter Wiefelspütz avait fait de même dans la "Neuen Presse", un
journal de Hanovre. "Ce n'est pas acceptable et contraire à la
dignité humaine", avait-il déclaré, sommant l'organisation de
"mettre fin à ses agissements indignes et inacceptables".
La ministre de la Justice de Bavière, la conservatrice Beate Merk,
avait elle estimé "insupportable que la mort attende sur un
parking" et a condamné la "stratégie agressive" de cette
organisation qui "étend ses antennes en Allemagne".
Des voix se sont aussi élevées en Suisse, à droite comme à gauche,
pour critiquer l'organisation. Par exemple, le maire de Maur a
parlé d'une nouvelle manière d'aider au suicide "sans pitié et sans
goût". D'autres voix ont parlé de "grave atteinte à la dignité
humaine", d'actes "inhumains" ou de "tourisme de la mort".
Une loi?
Nombreux sont désormais ceux qui demandent des lois claires en
la matière pour éviter ce type d'abus. Les juristes estiment que,
pour l'heure, il n'est pas possible d'interdire le suicide dans la
nature. Quiconque le souhaite a le droit de le faire.
De son côté, la commission de recours des constructions du canton
de Zurich a confirmé vendredi que la commune de Stäfa avait à juste
titre interdit à Dignitas d'utiliser un logement pour ses
activités. L'aide au suicide n'est pas une activité conforme à une
zone dévolue au logement et une demande d'autorisation doit être
présentée auprès des autorités communales.
Sans domicile fixe
Dignitas est active de longue date en Suisse et est sous le feu de la critique en Suisse depuis quelques temps surtout.
En Allemagne, c'est toutefois le fait d'avoir aider à mourir deux de ses ressortissants dans des véhicules qui a mis le feu aux poudres.
L'organisation avait auparavant été chassée de plusieurs lieux de Suisse, dans le canton de Zurich surtout. Elle avait investi des appartements et des hôtels avant d'être chassés par les voisins ou les propriétaires.
Vendredi, la police cantonale vaudoise a confirmé que Dignitas avait aussi agi à duex reprises dans le canton de Vaud en 2007.
En mai dernier, une Française y a mis fin à ses jours dans l'appartement d'une amie. Un autre suicide a été organisé en août.
De son côté, Dignitas se défend en indiquant qu'elle n'a désormais pas d'autres choix que des véhicules pour son assistance au suicide. En effet, elle s'est vue interdire cette pratique dans les immeubles locatifs et dans les hôtels.
Près de 10 ans d'existence
L'organisation Dignitas a été fondée en 1998 à Forch (Zurich) par Ludwig A. Minelli. Elle s'occupe surtout de personnes étrangères désireuses de mettre à fin à leurs jours et qui ne peuvent pas le faire en raison d'une législation restrictive dans leur pays.
Cet ancien journaliste et juriste, polyglotte, spécialisé en droits de l'homme, milite depuis des décennies pour l'autodétermination à mourir, un droit que le Tribunal fédéral a reconnu en novembre 2006.
Il affirme vouloir aussi agir préventivement et dissuader de nombreuses personnes de mourir. Les organisations d'aide au suicide remplacent aussi, selon lui, l'absence de véritable lieu d'écoute pour les personnes désespérées.