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"A cause du Covid-19, on va reculer face au cancer, c'est certain"

Solange Peters, cheffe du service d'oncologie médicale du CHUV. [RTS]
L'invitée de La Matinale (vidéo) - Solange Peters, cheffe du service d'oncologie médicale du CHUV / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 10 min. / le 15 septembre 2020
La lutte contre le cancer pâtit de la pandémie, a déploré mardi dans la Matinale la présidente de la Société européenne d’oncologie médicale Solange Peters. Si la qualité des soins a pu être maintenue en Suisse, tel n'est pas le cas partout. Une surmortalité est à prévoir dans les années à venir.

La Société européenne d’oncologie médicale tiendra son congrès en fin de semaine. Il sera l'occasion de faire le point sur les progrès et les doutes en matière de lutte contre le cancer. Mais au moment où, qu’on le veuille ou non, l'actualité et la société sont rythmées par l'épidémie de Covid-19, l'événement pourrait avoir des difficultés à ne pas passer inaperçu.

"Ce sont, pourtant, toujours les plus fragiles qui sont mis en danger par une épidémie", a rappelé sa présidente Solange Peters. "Les plus fragiles en termes de couches sociales, mais aussi de co-morbidité par rapport à d'autres maladies non transmissibles, comme l'hypertension, le diabète, les maladies cardio-vasculaires ou le cancer."

La crise actuelle a, en effet, des conséquences directes sur plusieurs autres catégories de malades, en raison des ajustements nécessaires pour gérer les personnes touchées par le Covid. "Les systèmes de santé se voient partiellement démontés, démantelés, ce qui se reflète forcément par un abaissement de la qualité des soins", constate celle qui est aussi la cheffe du service d’oncologie médicale du CHUV.

Le cancer perdant au jeu des priorités

En luttant contre le Covid-19, serait-on en train de créer quelque chose de plus grave? "Probablement!", avance Solange Peters. "Dans une année, dans deux ans, dans trois ans, on risque de voir que des maladies comme le cancer, qu'on a soignées, par obligation, de façon insuffisante ou incomplète, vont avoir leur propre mortalité liée à la pandémie", pointe-t-elle du doigt, précisant le faire "sans jugement de valeur, puisqu'il s'agit de mettre en place des priorités qu'en temps normal on n'a pas besoin de mettre en place".

Dans un, deux ou trois ans, des maladies comme le cancer vont avoir leur propre mortalité liée à la pandémie

Solange Peters, présidente de la Société européenne d’oncologie médicale

Le monde de la santé avait pourtant de grandes ambitions pour abaisser la mortalité des maladies non-transmissibles, cancer en tête. L'objectif fixé en début d'année était de diminuer leur mortalité de 30% d'ici 2030. Mais l'arrivée du SRAS-CoV-2, tout juste après, a porté un coup sévère à ces plans. "L'OMS considérait justement que, ayant passé des décennies à s'occuper des maladies transmissibles, il était temps de se pencher sur les autres, dont la mortalité restait élevée. Mais le Covid est arrivé, et il a encore empiré le scénario", déplore la présidente de la Société européenne d’oncologie médicale.

"Les dépistages sont les premières victimes d'une épidémie"

Selon l'OMS, dans le monde, six pays seulement progressent comme le voudrait l'instance sur cette question. Dans les autres pays, on stagne face au cancer. "Et on va reculer avec le Covid, c'est sûr", fait remarquer Solange Peters, tout en précisant qu'en Suisse, la situation est restée bonne pour les personnes atteintes d'un cancer. Mais il faut rester prudent: "Les dépistages sont les premières victimes d'une épidémie. Un système mis sous pression va les arrêter. On peut très bien les repousser de six mois, d'une année... Mais malheureusement, tout cela se chiffre", avertit-elle. Ainsi, aux Etats-Unis, on estime à 20'000 à 30'000 décès additionnels le coût du retardement des dépistages des cancers du sein et du colon. "Cela fait partie du bilan d'une pandémie", souligne l'oncologue.

>> Lire à ce sujet : Le cancer du côlon doit être dépisté le plus tôt possible

En Suisse, la plupart des soins oncologiques peuvent être maintenus. On vous soigne quasiment comme d'habitude en cas d'infarctus, d'AVC ou de cancer. Il ne faut pas avoir peur de venir à l'hôpital

Solange Peters

Pas question pour autant de trop noircir le tableau: "Si l'on reste bien à l'écoute de ses docteurs, la plupart des soins oncologiques peuvent être maintenus en Suisse. On vous soigne quasiment comme d'habitude en cas d'infarctus, d'AVC ou de cancer. Il ne faut pas avoir peur de venir à l'hôpital", rassure la cheffe du service d’oncologie médicale du CHUV. "On arrive à pratiquer une médecine quand même extrêmement sûre, à faire avancer l'innovation malgré une pandémie. On arrive à se mettre ensemble pour continuer à soigner les gens. La science continue à avancer, et le congrès de cette semaine montrera énormément d'innovations", promet Solange Peters.

Propos recueillis par David Berger

Adaptation web: Vincent Cherpillod

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L'immunothérapie au centre des stratégies de demain pour lutter contre le cancer

"On n'a plus forcément besoin d'intoxiquer tant le patient que la tumeur avec des chimiothérapies. On peut essayer de faire en sorte que les cancéreux se défendent eux-mêmes en stimulant leur système immunitaire", détaille Solange Peters en évoquant certains des progrès qui seront abordés au cours du congrès de la Société européenne d’oncologie médicale.

"C'était une petite niche des tumeurs de la peau, puis elle s'est étendue aux cancers du poumon. Plus on va dans les congrès, plus on voit qu'en raffinant cette stratégie, elle pourrait marcher pour tous les cancers". Corollaire des progrès réalisés dans la lutte contre le cancer, le nombre de personnes qui parviennent à survivre avec la maladie va augmenter. Le vieillissement de la population, lui aussi, va contribuer à une hausse très nette du nombre de cas de cancer à l'avenir.

Pour y faire face, "il y a tout un plan de la politique" à développer, plaide Solange Peters. "En matière d'accessibilité aux traitements d'immunothérapie, car ils sont extrêmement chers, en matière de réinsertion professionnelle des survivants du cancer, ou encore de choix des personnes à qui ces soins sont les plus profitables".