Face à la crise du coronavirus, les hôpitaux ont dû renoncer durant cinq semaines ce printemps aux interventions dites électives - non urgentes - comme l'opération d'un genou par exemple. La mesure édictée par le Conseil fédéral a créé d'importants manques à gagner pour ces établissements, ainsi que des désagréments pour les patients.
"Opération médicale non urgente ne signifie pas intervention futile", indique Yannick Mercier, directeur médical de l'Hôpital du Jura. "Il y a des tas d'interventions - notamment en cardiologie - qui ne sont pas vitales immédiatement mais qui peuvent avoir de graves conséquences si les interventions sont reportées trop longtemps." A noter que tous les hôpitaux romands contactés assurent n'avoir constaté aucun cas grave lié à un report d'opération.
Des milliards de pertes
L'arrêt des interventions non vitales a surtout participé à creuser les finances des établissements hospitaliers. Une étude publiée récemment par l'association hospitalière SpitalBenchmark et PwC Suisse estime entre 1,7 et 2,6 milliards de francs le préjudice financier découlant des mesures de lutte contre la pandémie.
Les Hôpitaux universitaires genevois (HUG) ont par exemple enregistré 4000 patients stationnaires en moins durant la pandémie par rapport à l'an dernier. Quant à l'ambulatoire, les HUG ont enregistré 76'000 consultations en moins, alors que le total annuel s'élève à 1,1 million. Le CHUV a lui enregistré une baisse de 3% de ces visites ambulatoires. Cela représente une perte de 100 millions de francs pour les HUG, soit 10% des recettes médicales. Au CHUV, elle s'élève à 55 millions (-3,5%).
A noter qu'un soutien des hôpitaux a été discuté avec le Conseil fédéral. Ce dernier a décidé de ne pas prendre en charge les pertes de recettes. Il a en revanche accepté d'assumer les frais supplémentaires liés à la crise sanitaire, comme les coûts des tests.
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Eviter de nouveaux reports d'opérations
Avec la menace potentielle d'une deuxième vague, il s'agit à tout prix d'éviter un nouveau report de ces interventions. "Financièrement parlant ce serait absolument critique", s'inquiète Daniel Walch, directeur général du Groupement hospitalier de l'ouest lémanique (GHOL). Sur le papier, la stratégie des établissements est simple: assurer le plus longtemps possible les activités normales tout en accueillant les personnes atteintes du Covid-19.
Comment la mettre en oeuvre? "On a l'avantage maintenant de mieux connaître la maladie", explique Yannick Mercier, de l'hôpital du Jura. "On a le matériel et les stocks nécessaires. On a également le savoir-faire car les gens ont été formés. On a pu transformer certains endroits comme les salles de réveil pour en faire des unités de soins intensifs. Donc on est prêt à monter en puissance si nécessaire."
Financièrement parlant, un nouveau report des opérations non urgentes ce serait absolument critique
Un arrêt de ces interventions reste toutefois possible: "Dans une situation extrême, nous pourrions prendre une telle décision. Et dans le cas où une vague toucherait toute ou une partie de la Suisse, une décision fédérale ou cantonale pourrait à nouveau être prise", indique Yannick Mercier.
Dans l'ensemble, les hôpitaux se disent prêts à affronter une deuxième vague. Le CHUV a par exemple prévu d'engager 40 à 60 personnes supplémentaires. En outre, l’hôpital vient d'engager 80 nouveaux infirmiers et infirmières. Aux HUG, un dispositif comprenant 68 nouveaux lits et 380 postes de travail a été mis sur pied.
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Rattraper les retards
Reste maintenant à effectuer les opérations reportées. "Nous estimons avoir besoin de la fin de l’année pour rattraper le retard", communiquent les HUG. A Neuchâtel, la situation semble également sous contrôle: "En juillet, entre 75% et 95% des opérations avaient été rattrapées et le solde était déjà planifié."
Même constat au CHUV: "Les interventions électives qui pouvaient l’être ont été reportées dans des délais qui ne mettaient pas en danger la santé et la sécurité des patients. L’activité de l’hôpital est revenue à son rythme soutenu usuel, avec un taux moyen d’occupation des lits de 90%", écrit l'hôpital.
A noter que certaines interventions ne seront pas rattrapées en raison du renoncement des patients ou de décès, par exemple.
Mathieu Henderson et Camille Degott