Le droit actuel a des "lacunes" et ne permet pas d'enrayer le changement climatique, a expliqué Frédéric Pitaval, le directeur d'id-eau. "Nous avons un droit de réparation et qui n'est pas basé sur la préservation ou la prévention", a-t-il déclaré vendredi à Lausanne, lors du coup d'envoi officiel de l'Appel du Rhône.
Une personnalité juridique pour le Rhône, de son glacier en Valais à son delta en Camargue, lui permettrait de "se prémunir" en cas d'activités destructrices et de "demander des comptes" s'il devait par exemple être pollué, a affirmé Frédéric Pitaval. Selon lui, il faut "bouleverser les idées dominantes" et faire évoluer le droit pour qu'il puisse répondre à l'urgence climatique.
Selon id-eau, association née à Lausanne en 2018, des cours d'eau se sont déjà vu attribuer une personnalité juridique, comme la rivière Vilcabamba en Equateur (2011), le fleuve Atrato en Colombie (2016) et le fleuve Whanganui en Nouvelle-Zélande (2017). La question est de plus en plus abordée, notamment autour de la Loire en France.
"Reconnaître le rôle écosystémique du fleuve"
"Ces exemples montrent l'émergence d'un nouveau paradigme. C'est la volonté de prévenir les futurs dommages face à la crise climatique en amont, plutôt que d'agir après les catastrophes", explique vendredi dans le 12h30 Valérie Cabanès, juriste en droit international et spécialiste en droit de la nature, qui regrette que ces exemples soient présents sur tous les continents, excepté l'Europe.
"La personnalité juridique, qui est aussi attribuée à des identités virtuelles comme les entreprises ou les associations, n'offre pas les mêmes droits qu'à une personne. Mais il s'agit de reconnaître le rôle écosystémique du fleuve et des droits spécifiques qui lui sont liés, comme fournir de l'eau ou faire vivre des espèces", précise Valérie Cabanès.
Quant à savoir si cette personnalité juridique permet d'obtenir des effets concrets, la juriste évoque un exemple en Equateur, le premier pays à reconnaître dans sa Constitution le droit de la nature depuis 2008: "Sur 30 procès, la nature a gagné 25 fois! Comme dans le cas de cette rivière menacée par la construction d'une route. On a reconnu que l'utilité du fleuve primait à long terme sur celle de la route."
Propos recueillis par Sylvie Lambelet
Adaptation web: vkiss, avec l'ats
Un manifeste collectif
L'Appel du Rhône se présente sous la forme d'un manifeste collectif. Ses initiateurs espèrent désormais récolter un maximum de signatures en Suisse et en France, via le site internet d'id-eau et les réseaux sociaux, pour montrer qu'il y a une volonté populaire à agir pour le fleuve.
Plusieurs associations de défense de l'environnement - GARN Europe, Rights of Mother Earth, Wild Legal ou Notre Affaire à tous - soutiennent le projet. Des événements artistiques sont aussi prévus pour accompagner la campagne.