Malgré des demandes d'évacuation de la part de parlementaires bourgeois et des présidences des Chambres fédérales, le gouvernement rouge-vert de la ville de Berne a plutôt choisi de trouver une solution à l'amiable avec les activistes. Il leur a toutefois lancé un ultimatum. Ils devront quitter la Place fédérale d'ici mardi midi, s'ils ne veulent pas être expulsés par la police.
Les activistes ont indiqué lundi en fin de journée que toutes les parties mobiles du camp de protestation seront "mises de côté" jusqu'à mardi midi, pour que la moitié de la Place fédérale soit libre. Le marché de Berne s'y déroule tous les mardis.
Les militants veulent ensuite continuer leur camp sur place. La ville leur propose à la place d'aller s'installer sur la Waisenhausplatz, à 200 mètres de là. Dans un premier temps, elle leur avait offert de prendre quartier à la Schützenmatte, près du centre autonome de la Reitschule, mais les militants avaient refusé.
Semaine d'actions
En guise de coup d'envoi de la semaine "Debout pour le changement", des militants écologistes ont installé leur camp de base à partir de 04h30 sur la Place fédérale, prévoyant de rester toute la semaine. Sur la Bärenplatz, les activistes se sont enchaînés les uns aux autres et ont ainsi bloqué le passage pour les voitures et les bus.
Dans un communiqué commun, la Grève du Climat, Collective Climate Justice et Extinction Rebellion ont indiqué avoir choisi la Place fédérale car c'est selon eux un "symbole de la destruction provoquée par la crise climatique". Dans leur communiqué, ils dénoncent notamment l'octroi de crédits aux compagnies d'aviation et l'investissement des banques suisses dans l'exploitation des énergies fossiles.
Manifestations interdites depuis 1925
Depuis 1925, les manifestations devant le Palais fédéral durant les sessions sont interdites, à l'exception de petits rassemblements non bruyants. Les présidences des Chambres fédérales ont donc demandé aux autorités bernoises qu'elles constatent l'illégalité de cet événement non autorisé et fassent respecter la loi.
En début de soirée, le Conseil national a approuvé par 109 voix contre 83 une motion d'ordre de Thomas Aeschi (UDC/ZG) appelant la ville de Berne à disperser la manifestation. "On ne peut pas tolérer" une telle violation de la loi, a affirmé à la tribune le député zougois.
jop avec ats
Le Conseil suisse de la presse réagit
Le Conseil suisse de la presse (CSP) a considéré que notre couverture de l'occupation de la Place fédérale le 21 septembre 2020 par les mouvements de type grève du climat était correcte. Par contre, le CSP a estimé que nous étions en tort sur un élément, la diffusion d'images erronées dans un plateau couvert : les images de manifestant·es dispersé·es aux canons à eaux n'étaient pas celles des pro-climat, mais celles d'une manifestation pro-sans papiers, évacuée ce jour-là. Nous avons corrigé l'erreur en enlevant la séquence.
Deux procès en appel d'activistes pour le climat
Ces manifestations interviennent alors que que deux procès en appel d'activistes pour le climat se déroulent cette semaine. Le premier dès lundi à Genève, après qu'un militant pro-climat a été condamné en première instance pour avoir souillé la façade de la banque Credit Suisse de mains rouges. Et mardi s'ouvre à Renens (VD) le procès en appel de douze activistes, acquittés en 1ère instance en janvier dernier après avoir organisé un match de tennis parodique dans une succursale Credit Suisse à Lausanne.
>> Lire : Les 12 activistes du climat ont été acquittés lors du procès à Renens
Procès hautement symbolique à Renens
Avocat bénévole des activistes vaudois et également député Les Verts au Grand Conseil vaudois, Raphaël Mahaim était l'invité de La Matinale de la RTS pour commenter l'ouverture imminente de ce procès en appel. Selon lui, il est déjà positif de constater que ce procès a provoqué de vifs débats dans la communauté des juristes, mais également au-delà. "Après le jugement en 1ère instance, tout le monde avait un avis sur la question", se réjouit-il. "C'est peut-être le meilleur signe qu'on touche à un point sensible".
D'après l'avocat engagé, "la légitimité est en train de changer de camp" face aux "banques intouchables en Suisse". Il note aussi que durant le procès en première instance, "la banque a montré une condescendance absolument inouïe", rappelant que les avocats de Credit Suisse ne se sont pas montrés au procès.
"Il est parfois du rôle de la justice d'arbitrer des conflits politiques"
Au-delà de la fameuse question de "l'état de nécessité", invoqué en première instance comme motif d'acquittement, l'enjeu, selon Raphaël Mahaim, est de déterminer quel est le préjudice qu'il faut sanctionner, entre des activistes qui ont organisé une action "bon enfant" et une banque dont les activités "menacent les intérêts de l'humanité". "Du point de vue des biens juridiques protégés, on a d'un côté la vie de l'humanité, et de l'autre on a une espèce de vague notion de domicile d'une banque", estime-t-il.
Faut-il pour cela défendre nécessairement des actes illégaux? Pour le spécialiste, le droit pénal n'est "pas une science exacte, il n'y a pas une distinction binaire entre ce qui est légal et ce qui est illégal". "Il est parfois du rôle de la justice et de la jurisprudence d'arbitrer les conflits de valeurs en politique", estime-t-il, rappelant le rôle qu'ont joué les tribunaux en matière de droit de vote des femmes, notamment. Et en tant que député, il dit avoir pu constater que "les écologistes se sont égosillés pendant des années au sujet du réchauffement climatique, et des problèmes posés par la finance, et au fond, on nous a poliment écouté mais rien ne s'est produit".