Haro sur les 11 milliards de francs de réserves des caisses maladie

Tous les ans, à la fin septembre, la Confédération annonce des hausses de primes maladie plus ou moins conséquentes pour l'année suivante. Il y a autre chose qui grimpe inexorablement chaque année, et de manière encore plus marquée: les réserves financières des assureurs. L'an dernier, ce pactole a encore grossi de près de deux milliards de francs.

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Doublement des réserves en cinq ans

Au fil des ans, ces réserves sont ainsi devenues largement excédentaires. De 2015 à 2020, leur montant global a presque doublé, passant de 6 milliards à plus de 11 milliards de francs, le double des exigences minimales fixées par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Cela représente environ quatre mois de dépenses, soit un montant de 1322 francs par personne assurée.

Aucun des plus de 50 assureurs maladie du pays n'affiche un taux de solvabilité en dessous de 100% (minimum légal). Si l'on regarde les 26 plus grandes caisses - celles qui comptent plus de 50'000 clients -, l'excédent de réserves est compris entre 28% chez Compact et 232% chez Progrès. Neuf assureurs disposent d'un bas de laine au moins deux fois plus important que le minimum légal.

Les assureurs maladie divisés

Ces réserves, nourries par les primes des assurés, permettent de compenser les éventuelles pertes des années futures et servent à garantir la solvabilité à long terme des caisses. Certains assureurs ne veulent pas qu'on y touche, affirmant que leur stabilité financière en dépend. D'autres, en revanche, se montrent plus ouvertes à utiliser ce trésor de guerre pour limiter la hausse des primes.

Cette possibilité est évoquée par Curafutura, l'une des deux faîtières des assureurs maladie. Pour son directeur Pius Zängerle, un changement de pratique permettrait de s'écarter du sacro-saint principe qui veut que les primes couvrent les coûts. Tenir compte des réserves dans le calcul des primes - ce que la loi actuelle n'autorise pas - permettrait de freiner l'augmentation.

Du côté des syndicats, on prône une utilisation plus radicale du magot. "On peut facilement redistribuer ou restituer la moitié de ces réserves à la population, soit plus de cinq milliards de francs. Et ce dans une situation de crise économique où les revenus de beaucoup de ménages sont en train de baisser", affirme Reto Wyss, secrétaire central à l'Union syndicale suisse (USS).

Le Conseil fédéral met la pression

Le Consei fédéral lui-même reconnaît le problème. "Les réserves des caisses sont clairement trop élevées", a encore reconnu Alain Berset mardi soir sur la RTS. "Nous essayons de les faire diminuer, mais la loi ne nous le permet pas. Ce que nous pouvons faire, c'est inviter les assureurs à calculer de manière très serrée pour que les réserves diminuent, mais jusqu'à présent ça n'a pas trop marché", a ajouté le conseiller fédéral.

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Face à cette situation, le gouvernement a mis en consultation, la semaine dernière, une modification de l'ordonnance sur la surveillance de l'assurance maladie visant à inciter "très fortement" les caisses à réduire leurs réserves. "Mais s'il faut aller plus loin, nous devrons nous résoudre à faire le pas supplémentaire", c'est-à-dire changer la loi, a conclu Alain Berset.

Didier Kottelat