Car on le sait, lorsqu'un médecin s'acoquine un peu trop avec l'industrie pharmaceutique, cela peut générer des conflits d'intérêts qui conduisent, dans le pire des cas, à des prescriptions inadaptées, et cela au détriment du patient.
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Cette obligation de transparence est organisée par la branche elle-même, avec un objectif global de 80% de versements nominatifs, mais sans risque de sanctions pour les entreprises qui ne répondraient pas aux critères établis, si ce n'est d'avoir leur nom affiché sur le site de la faîtière.
2,2 millions intraçables
En 2019 donc, l'auto-obligation de transparence que s'est imposée la pharma fait état de 186 millions de francs en Suisse. En dépit de cette augmentation manifeste des versements, les chiffres publiés cet été mettent en exergue une bonne nouvelle: "seuls" 11,5 millions de francs ont été versés directement aux médecins, contre 14 millions en 2016.
L'essentiel de l'argent de la pharma sert donc à financer des organisations médicales (hôpitaux, cliniques privées, sociétés de spécialités médicales) ou des centres de recherches. Cela génère un autre problème, car certaines organisations se plaignent du manque d'indépendance des médecins lorsqu'ils suivent des formations financées par l'industrie.
Les entreprises pharmaceutiques s'efforcent de publier tous les noms des médecins, franc par franc. Elle laisse toutefois la possibilité aux praticiens de refuser que leur nom figure sur les listes, ce que certains ne se privent pas de faire. Sur les 11,5 millions de francs, 2,2 millions restent indéterminés.
Cette somme représente 19% de paiements totalement opaques pour l'année dernière. C'est deux fois moins qu'en 2016. Une bonne nouvelle là encore, mais qui démontre aussi que la transparence n'est pas franchement optimale quatre ans après l'introduction du système de déclaration.
Classement des entreprises transparentes, ou pas...
Les données de 2019 permettent aussi d'effectuer un classement des entreprises des moins transparentes aux plus transparentes dans la déclaration de liens d'intérêts.
Trois entreprises - Helvepharm, Neurim et SFL - n'ont fait aucun paiement anonyme à des médecins, mais également aucun versement nominatif (voir notre graphique ci-dessous).
A l'inverse, le podium de la non-transparence est occupé par Sanofi-Aventis (323'000 francs), Janssen-Cilag (315'000 francs) et Amgen (154'000 francs), versés en caviardant une grande partie des noms de médecins.
Firme la moins transparente, Ipsen a versé 108'000 francs à des praticiens, mais sans aucun versement nominatif.
Réactions divergentes des pharmas
Du côté des cancres, Janssen-Cilag a annoncé, par la voix de son porte-parole, que ce mauvais score l'avait poussé à décider de ne plus traiter avec les médecins souhaitant rester anonymes. Sanofi se défend en rappelant que ce sont les médecins qui refusent de publier les noms et dit tout faire pour les y encourager.
Amgen estime pour sa part être suffisamment proche du taux de transparence voulu par la branche et du droit à la protection des données que peuvent faire valoir les médecins. Selon l'entreprise, si des médecins refusent d'être cités, c'est parce que les médias pointent du doigt ceux qui acceptent de l'argent, ce qui nuit à leur réputation.
Enfin, Ipsen, affirme que la situation sanitaire liée au Covid-19, l'a poussé à reporter les demandes d'autorisations de divulgation des noms des médecins, mais que cela sera fait plus tard dans l'année et corrigé rétroactivement.
>> Voir les versements par entreprise : On en parle
>> Voir aussi la page de l'émission "On en parle"
Yves-Alain Cornu et Bastien von Wyss/jfe
Votre médecin touche-t-il de l'argent des pharmas?
Chaque année, Le Temps, le Blick, Beobachter et la Handelszeitung publient les noms des médecins et les montants déclarés. Un travail fastidieux que vous pouvez trouver sur le site pharmagelder.ch.