Au niveau suisse, c'est Bâle-Ville qui a le plus massivement rejeté l'initiative de l'UDC avec 74,6% de non. La Suisse romande suit de près, avec dans l'ordre Neuchâtel (71,1%), Vaud (70,9%), Genève (69%), le Jura (68,2%), Fribourg (64,6%), le Valais (62,1%) et Berne (61,4%).
A l'opposé, c'est Appenzell Rhodes-Intérieures qui a le plus nettement suivi l'UDC avec un oui à 54,3%. Le Tessin a lui accepté le texte à 53,1%.
Au final, plus de 1,9 million d'électeurs se sont opposés au texte. Et quelque 1,2 million ont glissé un bulletin favorable.
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Le Conseil fédéral soulagé
L'UDC n'a ainsi pas réussi à renouveler la surprise du 9 février 2014. Le peuple avait alors accepté du bout des lèvres son initiative "contre l'immigration de masse". Jugeant la mise en oeuvre du texte insuffisante, le parti conservateur et l'Action pour une Suisse indépendante et neutre avaient remis le couvert.
L'initiative dite de limitation demandait que la Suisse règle de manière autonome son immigration. Elle voulait notamment en finir avec la libre circulation avec l'UE qui met, selon les initiants, sous pression le marché du travail, les services sociaux ou encore les infrastructures.
Pour l'UDC, l'immigration "incontrôlée" provoque une hausse des coûts de l'assurance-chômage et des loyers, une surcharge des trains et des routes, ainsi qu'un bétonnage accru des paysages ruraux, a assuré le parti.
Après ce non clair, le Conseil fédéral va pouvoir se repencher sur l'accord-cadre avec l'Union européenne. Il devra fixer la position de Berne dans les semaines à venir, avant de reprendre langue avec Bruxelles sur les points encore en suspens, a indiqué Karin Keller-Sutter à l'issue du scrutin.
"Le peuple a confirmé encore une fois sa volonté de poursuivre la voie bilatérale", s'est réjouie la ministre de la Justice. Dans la situation actuelle difficile en raison de la pandémie de Covid-19, il est important d'avoir de bonnes relations avec ses voisins et l'UE. L'économie a besoin de relations stables, de sécurité juridique ainsi que de perspectives économiques, a ajouté Karin Keller-Sutter.
"Les citoyens ont eu peur"
Marco Chiesa, conseiller aux Etats et président de l'UDC, a pris acte de la défaite de la proposition de son parti: "Ce n'est pas une journée très facile, parce que j'aurais voulu un autre résultat, mais on continuera à se battre pour nos valeurs."
"C'est la clause guillotine qui a vraiment gagné. Les citoyens ont eu peur", a de son côté réagi la conseillère nationale genevoise Céline Amaudruz au micro de la RTS.
Le conseiller national Michaël Buffat (UDC/VD) a estimé que la Suisse "perdait aujourd'hui une occasion de reprendre la main dans la gestion de son immigration". "L'immigration reste un sujet qui préoccupe les Suisses, mais dans le contexte actuel et vue l'alliance contre nous, le résultat est assez bon, pour une initiative populaire."
Un soutien à la voie bilatérale
Les opposants ont eu fait part de leur satisfaction à la suite d'un verdict à leurs yeux bénéfique pour la place économique et scientifique suisse. "Le peuple était conscient qu'il votait sur la poursuite de la voie bilatérale et pas sur l'immigration", a estimé Monika Rühl, directrice d'economiesuisse.
Chef de groupe socialiste aux Chambres, Roger Nordmann a lui jugé qu'une "grande majorité des Suisses savent qu'on est au milieu de l’Europe. Ils veulent garder une situation qui fonctionne bien depuis 20 ans".
"Le peuple suisse dit clairement qu'il veut maintenir la libre circulation des personnes et qu'il veut maintenir la voie bilatérale", relève de son côté Philippe Nantermod, vice-président du PLR. "Ce vote est le plus important de la journée parce qu'il clôt un chapitre qui nous casse les pieds depuis 10 ans", a-t-il asséné.
Cet échec est notamment lié à l'attitude du Conseil fédéral à l'égard des partenaires sociaux. Contrairement à 2014, le gouvernement s'est montré à l'écoute de leurs préoccupations, a relevé Pierre-Yves Maillard, président de l'USS.
boi avec ats
L'Union européenne réagit
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a salué comme un "signal positif" le rejet par les Suisses d'une limitation de l'immigration des ressortissants de l'Union européenne.
"Leur vote valide un des piliers centraux de notre relation: la liberté mutuelle de bouger, de vivre et de travailler en Suisse et dans l'Union européenne. Je salue ce résultat. J'y vois un signal positif pour continuer à consolider et approfondir notre relation", a-t-elle déclaré dans un message vidéo publié sur Twitter en anglais, français et allemand.
"Je m'attends maintenant à ce que le Conseil fédéral suisse fasse rapidement les pas pour signer et faire ratifier l'accord-cadre institutionnel que nous avons négocié en 2018", a ajouté Ursula von der Leyen.
Charles Michel, le président du Conseil européen, institution représentant les Etats membres de l'UE, s'est également félicité du résultat du référendum.
"Aujourd'hui est un grand jour pour les relations entre l'Union européenne et la Suisse", a-t-il salué sur Twitter. "Les Suisses ont parlé et envoyé un message clair: nous avons un grand avenir devant nous", a-t-il estimé.