Le suspense aura duré tout l'après-midi. L'institut gfs.ch a donné un moment l'avantage à l'acceptation du projet par 51% avant de replacer les deux camps sur un pied d'égalité, puis de donner une courte avance aux opposants. Au final, quelque 1,654 million de votants ont déposé un non dans l'urne contre plus de 1,53 million de "oui".
Les soutiens les plus forts sont venus comme prévu d'Appenzell Rhodes-Intérieures (70,8%), d'Uri (69,6%), du Valais (68,6%) et des Grisons (67,9%). Parmi les cantons qui se sont rangés derrière la révision de la loi figure aussi Fribourg, de justesse (50,7%).
Au total, quinze cantons ont dit oui. Mais les zones urbaines n'ont pas voulu la peau du loup et ont fait pencher la balance. Comme dans le canton de Berne (53% de non), où les régions de plaine ont eu le dernier mot.
Le rejet le plus net vient de Bâle-Ville (63,9%), suivi de Genève (63,6%), où la chasse est interdite depuis 1974, de Schaffhouse (63,3%) et de Vaud (59,8%). Le "non" l'a également emporté dans autres cantons, dont Neuchâtel (58%) et Zurich (58,6%). Le Jura a exprimé un petit "non" (52,1%).
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Une loi qui a plus de 30 ans
La loi actuelle date de 1986. A l'époque, le loup ne vivait pas sur le territoire helvétique. Mais depuis la formation de la première meute en 2012, les effectifs se sont multipliés et comptent actuellement 80 loups. Depuis 2009, ils tuent chaque année plusieurs centaines de moutons et de chèvres, créant des conflits avec les éleveurs.
La loi révisée visait notamment à adapter les règles de cohabitation entre le loup et l'être humain aux réalités actuelles. Les cantons auraient pu autoriser les tirs avant que les loups n'aient fait des dégâts, afin qu'ils conservent leur crainte de l'homme et des zones habitées. Mais les tirs auraient été liés à plusieurs conditions préalables.
Les cantons n'auraient pas pu s'attaquer à des meutes qui restent éloignées des troupeaux et des villages. Ils auraient également dû justifier le tir auprès de la Confédération. Les organisations de protection de la nature auraient toujours pu faire recours contre la décision du canton.
Les cantons auraient aussi pu autoriser le tir d'un loup isolé s'attaquant aux cheptels malgré les mesures de protection ou s'il rôde autour des étables et des villages.
Villes et campagne doivent se comprendre, selon Sommaruga
Devant la presse, Simonetta Sommaruga a dit comprendre la déception des régions alpines, où la population est concernée par la propagation du loup. "Ce non ne se dirige pas contre eux. Il ne vise pas les éleveurs de moutons et les exploitants d'alpages".
Selon la présidente de la Confédération, villes et campagnes doivent se comprendre. Un équilibre doit être trouvé. "Aucune région ne doit être laissée de côté". Et la Bernoise de citer les efforts faits en matière de service public et d'infrastructures envers les régions périphériques.
De l'avis de la ministre de l'Environnement, la nouvelle loi sur la chasse "était un bon compromis" et les conflits auraient pu être réduits. Seules trois espèces auraient encore pu être régulées, contre près de 300 auparavant: le loup, le bouquetin et le cygne tuberculé.
La population des animaux sauvages ne devait pas être menacée. Le castor et le lynx auraient été protégés et n'auraient plus pu être chassés.
Les organisations contre l'abattage préventif
Pour les organisations de protection de l'environnement et des animaux, à l'origine du référendum, la loi sur la chasse était au contraire ratée et inacceptable. La réforme aurait anéanti la protection des espèces menacées au lieu de la renforcer.
Les référendaires, soutenus notamment par la gauche, ont par ailleurs estimé que les animaux protégés auraient pu être tués simplement parce qu'ils existent. Si le loup, le castor, le lynx ou le héron cendré dérangent les paysans, les chasseurs, les pisciculteurs ou les politiciens, ils auraient pu être abattus sans avoir provoqué de dégâts.
Cette révision ne visait qu’un but d'après eux : faciliter et étendre la régulation aux espèces protégées, sans motif valable.
Il vaudrait mieux soutenir les exploitants agricoles dans la mise en oeuvre de solutions pragmatiques pour protéger leurs cultures et leurs troupeaux. Un renforcement de la protection des troupeaux serait une meilleure solution que l'abattage préventif des animaux, estimaient-ils encore.
ther avec ats
Nécessité de remettre l'ouvrage sur le métier
Les Chambres fédérales vont devoir reprendre la révision de la loi sur la chasse. Partisans et opposants sont unanimes sur la nécessité de répondre aux problèmes urgents après le rejet du texte dimanche. Mais ils divergent toujours sur les réponses à apporter.
Estimant qu'il existe "un besoin d'action", le conseiller national Christophe Clivaz (Verts/VS), membre du comité pour le "non", a estimé qu'il s'agit maintenant de revenir devant le Parlement sans les lignes rouges du texte rejeté comme les compétences excessives laissées aux cantons.
Les opposants ont décidé de tout sacrifier aux dépens du tir de quelques loups", a de son côté déploré le président de la Diana romande Pascal Pittet, citant notamment le soutien financier qui était prévu dans la loi pour les réserves pour les oiseaux d'eau ou les couloirs fauniques.
Il a regretté qu'une majorité "éloignée des réalités du terrain" ait fait pencher la balance, alors qu'on assiste à une augmentation exponentielle de la présence du canidé. Selon lui, le fédéralisme fonctionne et les cantons gèrent très bien la situation. Même en Valais, canton souvent pointé du doigt, il n'y a jamais eu autant de bouquetins, assure-t-il.
Christophe Clivaz estime aussi qu'il faut profiter de remettre à l'ordre du jour les espèces menacées qui ne sont toujours pas protégées, comme le tétras-lyre, le lagopède, la bécasse des bois ou le lièvre. Enfin, un débat doit être mené sur la manière de soutenir l'agriculture de montagne.