Les réactions ne cessent d’affluer après l’affaire du "t-shirt de la honte", révélée jeudi par le quotidien Le Courrier. Pour rappel, certains élèves du cycle d’orientation de Pinchat ont été sommés lors de la rentrée de porter un large t-shirt par-dessus leurs tenues, jugées inappropriées par l’établissement.
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Cette pratique est loin d’être isolée au sein des structures scolaires genevoises. La RTS a reçu de nombreux témoignages après la diffusion du sujet au 19h30 du 24 septembre.
Elodie, 15 ans, témoigne de faits similaires qui se sont déroulés quand elle était élève dans un cycle genevois.
"J’avais 11 ans, j’étais en cours de musique quand le professeur m’a regardé et m’a dit que ma tenue n’était pas appropriée pour le cours et que cela pouvait attirer le regard des garçons", relate l’adolescente. "Je portais un pull à bretelles avec un pantalon en jeans. On voyait seulement mes épaules. Il m’a dit sur le moment de mettre ma jaquette en expliquant que si je revenais habillée comme ça, soit il me renvoyait, soit il me faisait porter le t-shirt de la honte".
Une élève anciennement scolarisée dans une Ecole de culture générale à Genève a fait parvenir à la rédaction de la RTS une photo d’une tenue jugée inadéquate par son établissement lors d’un cours de sport. L’anecdote remonte à 2016. "Je me suis fait renvoyer d’un cours de gymnastique à cause de ma tenue. Les habits en question étaient un soutien-gorge et un débardeur de sport qui arrivaient au niveau de la poitrine. Le professeur, un homme, a trouvé que cela n’était pas adapté. J’ai eu l’impression que les filles étaient scrutées, punies d’être des tentatrices pour les jeunes hommes de l’école".
Valais et Vaud aussi touchés
Le phénomène dépasse les frontières genevoises. Plusieurs jeunes filles relatent des histoires similaires, survenues dans les cantons de Vaud et du Valais.
C’est le cas de Julie, 16 ans, ancienne étudiante dans un collège vaudois. " On n’avait pas le droit de porter des shorts plus courts que nos mains quand elles sont tendues. Les professeurs nous faisaient des remarques, demandaient d’aller nous rhabiller et de mettre des affaires de sport par-dessus nos tenues jugées inappropriées".
Pour l’adolescente, ce n’est pas aux filles de recouvrir leurs corps, mais aux garçons d’être éduqués sur la question. "Cela montre à quel point on sexualise le corps des jeunes femmes. Il y a un sérieux problème d’éducation: on dit aux filles de se rhabiller, mais on n’apprend pas aux hommes à se comporter".
Luna, 20 ans, ancienne élève dans un collège à Sion, se souvient aussi du fameux "t-shirt de la honte". Âgée de 14 ans au moment de faits, elle condamne une pratique qu’elle juge stigmatisante. "Je portais un haut assez court et une enseignante m’a dit de passer à la direction pour enfiler un long t-shirt. Je me suis sentie jugée parce que cela attirait l’attention. J’ai eu le droit à pas mal de commentaires de la part de mes camarades. Au final, mon haut était plus discret!".
Vers plus d’égalité à l’école?
Catherine Rime est enseignante et auteure d’une recherche publiée en 2020 par la Haute école pédagogique du canton de Vaud. Dans son étude, elle interroge la représentation des adultes travaillant dans les établissements scolaires et explore la notion de "décence". Les données ont été recueillies sur un échantillon de 51 adultes travaillant dans le secondaire I vaudois.
Si la loi cantonale affirme que les élèves doivent porter une tenue décente, l’enquête souligne "qu’il n'y a aucun accord parmi les professionnels du milieu scolaire sur les critères du concept de décence ou sur le seuil de ce qui est acceptable".
Selon l’enseignante, "chacun y va donc de son avis personnel et cela engendre de grandes inégalités. Les professionnels des établissements scolaires appliquent la loi sans autres références que leurs propres représentations de cette notion, qui sont souvent empreintes de sexisme, classicisme ou racisme".
Les conclusions de l’enquête soulignent le fait que ce sont majoritairement les filles qui sont touchées par ce genre de mesures. Près de 35% des critères cités visent uniquement des tenues dites "féminines", contre 9% pour les tenues dites "masculines".
Il existerait plusieurs solutions pour aller vers une école plus égalitaire. "Il serait nécessaire de mener un projet pédagogique avec les élèves autour de la question des codes vestimentaires et de la décence; de former les enseignants sur la question et d'inclure un plus grand nombre de modèles féminins, afin que les filles aient d'autres schémas de réussite que ceux qui reposent sur la plastique des femmes", conclut-elle.
Sujet TV : Cecilia Mendoza
Adaptation web : Sarah Jelassi
Une tenue standardisée pour toutes et tous?
Le député MCG Thierry Cerutti a déposé mardi une motion qui invite le Département de l'instruction publique à étudier la mise en place d'une tenue standardisée pour toutes et tous.
"Un uniforme permettrait de fixer des règles et des limites" et "éviterait toute cette polémique de savoir pourquoi un nombril peut être montré ou pas", plaide Thierry Cerutti.