Les partisans jugent le projet raisonnable et nécessaire, tandis que les opposants déplorent une solution trop extrême.
L'initiative "entreprises responsables - pour protéger l'être humain et l'environnement" veut obliger les entreprises qui ont leur siège en Suisse à examiner régulièrement les conséquences de leur activité sur les droits de l'homme et l'environnement, également à l'étranger. Celles manquant à ce devoir de diligence devront répondre des dommages causés, y compris par les sociétés qu'elles contrôlent sans participer directement aux activités incriminées.
Les PME ne sont pas concernées, sauf en cas d'activité à haut risque comme le commerce d'or ou de diamants. Les multinationales ne seront pas tenues civilement responsables pour les actions de fournisseurs, mais seulement pour celles d'entreprises qu'elles contrôlent.
Soutien élargi
Outre la gauche, l'initiative a le soutien d'un comité bourgeois, dans les rangs duquel se trouvent plus de 350 politiciens du PDC, du PBD, du PEV, du PLR, du PVL et de l'UDC. L'initiative est pragmatique et raisonnable. Le texte a un but préventif, a expliqué Dominique de Buman (PDC/FR), membre de ce comité, devant la presse.
Beaucoup d'entreprises ont compris qu'une économie ne peut survivre qu'en étant durable. Il faut en revanche empêcher les quelques entreprises qui ne respectent pas les droits humains d'agir de la sorte, selon l'ancien conseiller national.
"Nous profitons de la mondialisation, mais elle a des effets négatifs sur les droits humains et l'environnement", a estimé le conseiller national Beat Flach (PVL/AG). L'économie suisse doit défendre sa réputation et prendre ses responsabilités.
Contre-projet indirect
Au Parlement, à l'issue d'une longue bataille, une majorité du centre et de la droite a fait passer un contre-projet indirect qui entrera directement en vigueur en cas de "non" à l'initiative. Cette réforme ne réglemente pas explicitement la responsabilité de la maison-mère pour les entreprises contrôlées à l’étranger.
Les obligations se réduiraient à un devoir de diligence dans les domaines "minerais de conflit" et "travail des enfants". Seules les "sociétés d’intérêt public" devraient rendre un rapport.
C'est ce contre-projet que défend le comité interpartis contre l'initiative. Pour les présidents du PLR, du PDC et de l'UDC - Petra Gössi, Gerhard Pfister et Marco Chiesa-, ainsi que la conseillère nationale Vert'libérale Isabelle Chevalley, l'alternative du Parlement mise sur des instruments connus, pratiqués et coordonnés à l'échelle internationale.
Le contre-projet durcit les sanctions et dispositions pénales envers les entreprises qui violeraient leurs obligations. Mais il n'introduit pas de responsabilité civile pour les actes de tiers à l’étranger, une procédure risquée pour les entreprises suisses, selon ses partisans.
PME lésées
L'initiative a pour seul but de se donner bonne conscience, selon Isabelle Chevalley. Elle ne résoudra pas les problèmes qu’elle soulève.
Cette initiative, trop extrême, va provoquer d'importants dégâts à l'économie suisse, a affirmé Gerhard Pfister. Les allégements prévus pour les PME, notamment pour l'obligation de diligence, n’y changent rien. Le projet touchera presque toutes les entreprises par effet domino. Dans la situation actuelle difficile, on ne peut pas se permettre de telles expériences, a ajouté Petra Gössi.
L'initiative prévoit que les entreprises suisses puissent être poursuivies en Suisse pour des fautes commises par des filiales et des fournisseurs à l'étranger. Cette solution n'est pas réalisable, a relevé Marco Chiesa. La justice suisse ne doit pas se mêler des affaires des autres. Aucun pays ne connaît une telle procédure, assure le président de l'UDC.
Les initiants auraient retiré leur texte si le contre-projet plus musclé qu'avait concocté le Conseil national s'était imposé. Pour eux, l'alternative choisie n'est pas suffisamment incitative.
ats/jpr
Mots d'ordre
Outre le PS et les Verts, l'initiative est soutenue par le PBD, le PEV, les JDC ainsi que des sections cantonales du PVL. Le PDC est contre. Les Vert'libéraux n'ont pas encore donné de mot d'ordre, tout comme le PLR.
L'initiative a été déposée en octobre 2016 par plusieurs dizaines d'organisations non gouvernementales, de développement, de défense des droits de l'homme et de l'environnement ou autres syndicats. Elle est soutenue par des personnalités comme les ex-conseillères fédérales Ruth Dreifuss et Micheline Calmy-Rey ou l'ancien conseiller aux Etats Dick Marty.
Travail.Suisse soutient le texte
Le comité de Travail.Suisse soutient les exigences de l’initiative et recommande de l’accepter. Les entreprises multinationales dont le siège est en Suisse ne devraient pas enfreindre ailleurs les droits humains en soumettant leurs employés à des conditions de travail indécentes, écrit le comité de Travail.Suisse après s'être prononcé à l'unanimité en faveur de l'initiative mercredi à Berne. Différents pays européens connaissent déjà des réglementations contraignantes sur la responsabilité des multinationales et d’autres s’apprêtent à les introduire.