Début octobre, l'organisation d'aide au suicide Dignitas s'était
vu interdire l'utilisation de locaux successivement à Stäfa, Maur
et Schwerzenbach, trois localités du canton de Zurich. Si les deux
premiers appartements se trouvent en zone résidentielle, le
troisième local est situé dans une zone industrielle.
Effet suspensif
Ces communes estimaient que Dignitas devait déposer une demande
d'autorisation pour activités commerciales. L'organisation faisait
alors recours et réclamait l'effet suspensif contre l'interdiction,
effet suspensif qu'une commission de recours cantonale refusait
d'accorder. Saisi de deux recours contre cette décision, le
Tribunal administratif a tranché de façon différente.
Dignitas peut utiliser ses locaux à Schwerzenbach, car l'effet
suspensif du premier recours est rétabli, mais pas à Maur. La Cour
estime que, contrairement à ce que prétend l'exécutif de
Schwerzenbach, les activités de Dignitas ne généreront pas un
trafic trop important.
"Dans une zone industrielle, un trafic de 5 à 10 véhicules par
décès, 200 jours par année, est admissible", notent les juges.
L'accompagnement à la mort ne nécessite en outre pas de
modification architecturale du local et ne modifiera pas
l'environnement de l'endroit.
Mesure "disproportionnée"
Le Tribunal administratif doute qu'une autorisation soit
nécessaire, mais laisse la commune se déterminer à ce sujet,
estimant que celle-ci dispose d'une "grande marge de manoeuvre". La
Cour juge donc l'interdiction d'utilisation prononcée contre
Dignitas à Schwerzenbach "disproportionnée".
Le droit à la protection de la sphère privée et à la liberté
personnelle des personnes désireuses de mourir doit aussi être pris
en considération, selon elle. Or ces droits sont "largement
inapplicables si aucun appartement n'est disponible et si
l'accompagnement au suicide a lieu dans une chambre d'hôtel ou un
véhicule", endroits où Dignitas a pratiqué récemment. L'intérêt de
tiers et de la population en général, qui ne doit pas être
confrontée à des cas de suicide de ce genre, "parle aussi contre
une interdiction préventive".
A Maur en revanche, où Dignitas voulait oeuvrer en zone
résidentielle, la Cour a donné raison à la commune qui a prononcé
une interdiction préventive et exigé que l'organisation fasse une
demande d'autorisation.
agences/cab
Le fonctionnement de Dignitas en bref
L'organisation emploie 15 personnes à temps partiel et verse chaque mois 50'000 francs à titre de salaires et d'honoraires. Le fondateur de l'organisation d'aide au suicide, l'avocat Ludwig Minell, estime que son revenu s'est élevé l'an dernier à 54'000 francs.
Il met également en lumière les tarifs pratiqués: la préparation de l'assistance au suicide et l'acte en lui-même coûtent 6000 francs, auxquels s'ajoutent 1500 francs pour les formalités après le décès.
La Suisse est l'un des rares pays d'Europe à tolérer l'aide "passive" au suicide. Cette disposition signifie concrètement qu'une poignée d'associations se chargent de fournir un poison fatal à des malades qui doivent l'ingurgiter eux-mêmes et non se le voir administrer.
Dignitas est toutefois la seule d'entre elles à porter ce type d'assistance à des candidats au suicide venus de l'étranger. Parmi ces derniers figurent une large majorité d'Allemands: 57%, sur les 195 personnes qui ont fait appel à elle en 2006, selon Ludwig Minelli.
Entre indignation et satisfaction
La commune de Schwerzenbach s'est dite "indignée" par le verdict.
"L'exécutif n'a pas encore décidé d'un éventuel recours au Tribunal fédéral", a déclaré le secrétaire communal Karl Rütsche.
A Maur au contraire, son collègue Markus Gossweiler s'est dit "très satisfait que le verdict confirme pleinement notre interprétation".
Ludwig Minelli n'a pas réagi vendredi.