"Je suis tombé de ma chaise" en lisant l'expertise demandée à
l'ancien procureur tessinois, a déclaré Luc Recordon, membre du
conseil d'administration de la BCV et nouveau conseiller aux Etats
vaudois.
Auparavant l'écologiste pensait à des "erreurs de gestion", à du
"management by hope" de la part de gens qui misaient sur la
croissance pour rétablir la situation. Après avoir pris
connaissance du document demandé par la BCV et l'Etat de Vaud,
"j'ai été extrêmement choqué" par cette volonté "totalement
inacceptable" de dissimuler "des fautes réelles".
"Plus un fifrelin"
Luc Recordon a affirmé qu'il ne verserait aujourd'hui "plus un
fifrelin" d'indemnité à l'ancien PDG de la banque Gilbert Duchoud,
principal accusé. L'ancien PDG de la Banque cantonale vaudoise a
obtenu 2 millions de francs d'indemnité de départ, négociée à
l'époque par Luc Recordon au nom de la banque. L'administrateur a
souligné qu'il s'était à l'époque "copieusement engueulé" avec le
conseiller d'Etat socialiste Pierre Chiffelle à ce sujet.
Luc Recordon a admis avoir été convaincu à ce moment-là que l'on
voulait "sacrifier Gilbert Duchoud pour le bien de la République"
et qu'il n'y avait pas matière à une telle révocation survenue
avant l'établissement du rapport Bernasconi. Il a souligné en outre
sa consternation en apprenant que Gilbert Duchoud distribuait de la
main à la main des bonus de 30'000 francs à des directeurs généraux
ainsi qu'à lui-même.
Jacqueline Maurer aussi à la barre
Auparavant, l'ancienne ministre vaudoise de l'économie
Jacqueline Maurer a dit également à la Cour son choc de découvrir
des malversations au sein de la BCV. Elle a dénoncé à plusieurs
reprises les difficultés relationnelles aiguës entre la banque et
le gouvernement, en particulier au niveau de la communication.
"C'était le jour et la nuit", a affirmé Jacqueline Maurer pour
qualifier la banque sous l'ère Duchoud et après son départ forcé.
Avec la nouvelle direction, "les informations circulaient".
Elle a défendu également la publication du rapport Bernasconi sur
internet mise en cause par les avocats de la défense. A ses yeux,
les dirigeants de la BCV pouvaient être considérés comme des
personnalités publiques et exposées comme des élus à la curiosité
de tous. Jacqueline Maurer a estimé que la recapitalisation a été
une opération "tout à fait judicieuse", menée avec le souci des
deniers publics.
Le procès se poursuit vendredi avec les dernières auditions des
témoins. Suivront les plaidoiries et réquisitoires. Il devrait
prendre fin le 7 décembre, si l'agenda est respecté.
ats/hof
L'avis des experts
En fin de journée, les experts de la défense et des parties civiles se sont affrontés sur la bonne méthode d'établir des risques et de calculer des provisions.
Pour le premier, il ne semble pas possible de trancher définitivement sur le niveau des provisions de la banque en 1996, alors que le second affirme que celui-ci était clairement insuffisant.
La politique de l'autruche
"La banque a provisionné ce qu'elle pouvait, et non pas ce qu'elle devait", a de son côté expliqué Alain Hirsch, professeur genevois de droit commercial, nommé à la présidence du Conseil d'administration après Gilbert Duchoud.
Sans entrer dans les détails techniques, il a cherché à montrer que la BCV s'était forcée à ne jamais admettre des pertes.
"Les provisions ont été le fruit d'une politique qui ne voulait pas affronter la réalité", a poursuivi Alain Hirsch en expliquant ce phénomène par la volonté de verser des dividendes.
"On a lissé les provisions", a-t-il ajouté par peur d'assumer des pertes et avec l'espoir de tenir trois ou quatre ans et de renverser la vapeur.