"Nous ne nous attendions pas à un chiffre aussi élevé", indique Sabrina Stängle, coauteure de cette recherche. Plus de 40% des médecins interviewés ont en effet admis avoir été confrontés au moins une fois au renoncement volontaire de s'alimenter pour mourir.
Il n'existe que peu d'études sur ce que l'on appelle également le "jeûne ante mortem" ou le jeûne terminal. La Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW) a mené en collaboration avec la Fédération des médecins suisses (FMH) un sondage représentatif auprès de 750 médecins de famille en Suisse.
Plus en détail, les résultats montrent que 60% des médecins interrogés y voient un processus naturel associé à la mort et qui doit être accompagné par le personnel médical; 32% le définissent comme une forme d'aide au suicide passive, 6% comme du suicide assisté. Plus de la moitié des sondés estime que cet accompagnement est une situation stressante.
Une forme de suicide passif
Des chiffres qui n'étonnent pas Ralf Jox, médecin chef de la chaire des soins palliatifs gériatriques du CHUV. "Il faut imaginer que pour les personnes qui sont très âgées ou atteintes d'un maladie incurable, et qui ne voient aucun sens à leur vie, c'est un processus plus naturel que le suicide assisté", explique-t-il au micro de Forum.
Mais pour le spécialiste, se laisser mourir de faim reste une forme de suicide passif. "Même si on n'utilise pas d'outils ou de médicaments, c'est cohérent, à mon avis, de dire que c'est une forme de suicide passif." Pour lui, il faut d'ailleurs beaucoup de volonté pour décider de mourir ainsi. "Ce processus peut prendre une à deux semaines selon l'état de la personne. D'où l'importance d'être bien entouré."
Manque de directives unifiées
Ralf Jox réalise d'ailleurs actuellement une étude en Suisse et en Allemagne sur les proches des personnes qui ont eu recours au "jeûne ante mortem". Ce qui en ressort: un manque de directives unifiées pour les médecins et les proches. "Il faut arrêter de se focaliser sur le suicide assisté et ouvrir le débat sur ce sujet également", plaide-t-il.
Il souligne également la nécessité de bien informer toutes les personnes concernées, car le processus peut être long et difficile, avec du délire ou des douleurs notamment. Selon lui, il serait bon d'en finir avec le tabou qui entoure cette thématique et de clarifier certaines questions éthiques.
Sujet radio: Mehmet Gultas
Adaptation web: Fabien Grenon