Le ministre de l'environnement Moritz Leuenberger avait lancé un
pavé dans la mare l'été dernier en évoquant le prélèvement d'une
taxe climatique d'au maximum 50 centimes par litre frappant les
combustibles mais aussi les carburants. Pour le moment, le Conseil
fédéral n'a pas été aussi loin dans les détails.
Le montant de la taxe et son champ d'application dépendront des
objectifs de réduction des émissions de CO2 et des progrès
réalisés, a expliqué Moritz Leuenberger jeudi devant la presse.
Selon lui, une hausse n'est pas exclue et une extension de la taxe
aux carburants vraisemblable. D'autant que les objectifs sont
ambitieux. Le Conseil fédéral souhaite se rallier aux buts
européens et viser une réduction par rapport à 1990 des émissions
de gaz à effet de serre d'au moins 20% d'ici à 2020 et de 50% d'ici
à 2050.
Les recettes de la taxe
Reste encore à définir la forme de la nouvelle taxe, qui
pourrait aussi frapper d'autres gaz à effet de serre. Le
gouvernement prendra cet été le pouls des milieux concernés. La
taxe pourrait être purement incitative. Il s'agirait comme
actuellement d'influer sur le comportement de la population et de
l'économie par une hausse des prix. Mais les recettes de la taxe
leur seraient entièrement reversées, par exemple via une baisse des
primes maladies.
Autre variante (taxe à affectation partielle): l'utilisation d'une
partie des recettes pourrait être employée pour financer des
mesures de réduction et d'adaptation en Suisse et à l'étranger,
comme la rénovation énergétique des bâtiments. Les milieux
consultés auront aussi l'occasion de se prononcer sur le concept
d'une "Suisse climatiquement neutre", cher à économiesuisse. Par
cette formule, on entend le recours à l'achat de certificats
étrangers pour compenser les insuffisances des mesures intérieures
à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Pas de taxe CO2 sur les carburants
Toutes ces mesures concernent l'après 2012. D'ici là, la Suisse
devrait en rester au statu quo rayon taxation. Aucune taxe sur le
C02 ne devrait frapper à court terme les carburants. Le Conseil
fédéral a en effet renoncé à s'engager sur cette voie pour pallier
les insuffisances du centime climatique (1,5 centime par litre). Il
faudrait encore attendre deux ans avant qu'une telle mesure puisse
se concrétiser, a expliqué le ministre de l'environnement.
Reste qu'un écart de 0,5 million de tonnes de CO2 par an est prévu
entre les objectifs légaux et les résultats escomptés du centime
climatique. Des négociations vont donc être menées avec la
Fondation pour le centime climatique pour trouver une solution. Une
hausse de ce prélèvement volontaire est possible mais ne semble pas
nécessaire, la Fondation disposant de réserves de quelque 100
millions de francs.
Plans d'action
Le Conseil fédéral n'entend pas pour autant rester les bras
croisés en matière d'efficacité énergétique. Il a adopté deux plans
d'action visant à atteindre jusqu'en 2020 une réduction des
énergies fossiles de 20%, une hausse de la part des énergies
renouvelables de 50% et une augmentation maximale de la
consommation d'électricité de 5% entre 2010 et 2020.
Ces plans combinent différentes mesures: système de bonus-malus
dans l'imposition des autos, programme national d'assainissement
des bâtiments dès 2010, interdiction des ampoules à incandescence
dès 2012, limitation de la puissance en état de veille des
appareils électroniques, obligation du recours à l'énergie solaire
pour la préparation d'eau chaude et comme appoint de
chauffage.
Les adaptations législatives nécessaires devraient être prêtes
d'ici la fin de l'année. Le Conseil fédéral soutient par ailleurs
l'introduction par les cantons d'une imposition des véhicules en
fonction de leur consommation.
ats/hoj
Rien de neuf du côté du nucléaire
Un autre pilier de la stratégie énergie du gouvernement a trait au remplacement ou à la rénovation des infrastructures pour la production indigène d'électricité. Mais un nouveau projet de centrale nucléaire ne risque guère de voir le jour plus vite qu'aujourd'hui.
Le Conseil fédéral a en effet constaté que le temps requis pour les trois procédures d'autorisation d'une nouvelle centrale atomique (autorisation générale, de construire et d'exploiter) ne peut pratiquement pas être réduit dans le cadre du droit actuel.
Vu les expertises techniques, les délibérations parlementaires, la possibilité de référendum et de recours, puis les travaux de construction, le délai global est de 16 à 18 ans. Toutes les possibilités de simplifier les procédures doivent toutefois être exploitées au niveau administratif et technique.
Les services de Moritz Leuenberger vont préparer une révision de l'ordonnance sur la procédure d'approbation des plans d'installations électriques. Les réseaux électriques et gaziers, ainsi que les installations de production d'énergies renouvelables devraient en être les principaux bénéficiaires.
Le Conseil fédéral va par ailleurs proposer de revoir les modalités de compensation des émissions de CO2 produites par des centrales à gaz. Il juge en effet que la répartition fixée par le Parlement (70% des compensation en Suisse et 30% à l'étranger) est trop restrictive.
Réactions contrastées
La politique prudente du CF en matière de réduction des gaz à effet de serre satisfait la droite et les milieux économiques. La renonciation pour l'heure à une taxe CO2 sur les carburants fait en revanche bondir le camp adverse.
Les partis de gauche et organisations écologistes estiment notamment que l'objectif de réduction devrait viser 30% de moins d'émissions d'ici 2020 par rapport à 1990, et non 20%.
Une initiative en ce sens a d'ailleurs été lancée Tous considèrent en outre que le centime climatique (1,5 ct par litre) a fait ses preuves et qu'il faudra donc le reconduire après 2012 (après-Kyoto).