La relation de couple peut être affectée par le diagnostic d’un cancer, allant parfois jusqu’à bouleverser l'équilibre d'une cellule familiale. L’impact de cette maladie sur le partenaire et sur la vie de couple reste pourtant un sujet peu abordé au sein du corps médical suisse.
"Le partenaire est perçu comme une ressource indispensable dans la gestion de la maladie et pas comme un proche aidant qui nécessite un soutien psychologique. Les conjoints ne se sentent pas légitimes pour demander de l’aide face à la maladie de leurs compagnes", analyse dans le 12h45 Sarah Cairo Notari, docteur en psychologie clinique.
Si l’impact du cancer et de ces traitements varie d’un couple à l’autre, les conséquences peuvent être nombreuses sur l’intimité des partenaires. "Beaucoup de personnes arrêtent d’avoir des relations sexuelles à la suite de l’annonce du diagnostic. Aux impacts psychologiques et hormonaux du traitement s’ajoutent les problèmes affectifs, l’anxiété, mais aussi la peur du regard de l’autre. Il est souvent difficile pour les couples d’en parler avec des professionnels".
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Un choc pour les conjoints
Depuis plus d'un an, Patricia documente son parcours sur sa chaîne Youtube après avoir été diagnostiquée avec un cancer du sein. De la perte de ses cheveux à sa mastectomie, elle confie à la caméra les hauts et les bas qui ponctuent sa vie depuis qu’elle a commencé son traitement. En couple depuis 7 ans, elle a récemment publié une vidéo qui aborde la place de la maladie dans sa relation avec son partenaire.
"Le conjoint est embarqué par procuration dans les traitements qu'on doit subir. Il va nous voir chauve, sans cils, sans sourcils et c’est aussi un choc pour lui. Mon compagnon a eu les larmes aux yeux quand il m'a vue dans cet état", confie-t-elle au 19h30. La mastectomie est un moment particulièrement difficile. On doit se regarder dans la glace avec ce nouveau physique, mais aussi affronter le regard du conjoint. Le désir prend forcément un coup et je pense qu’on n’en parle pas assez".
Son compagnon Adriano a aussi vécu la spirale des traitements, des effets secondaires et de l'angoisse de la maladie. Il témoigne du sentiment de solitude qu’il l’a envahi face au cancer de sa conjointe. "On se sent impuissant et seul par rapport au cancer. On est à l'écoute, on donne un coup de main, on essaye d’être présent… Mais on ne peut pas guérir un cancer sur un coup de baguette magique".
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Émergence des groupes de parole
La détresse des conjoints et l'impact de la maladie sur la vie sexuelle sont des sujets encore tabous dans le milieu médical. À Genève, un groupe de parole dédié à ces thématiques se réunit deux fois par mois à la Fondation Otium, qui propose des solutions pour mieux vivre la maladie.
Arianne Torné, psychologue et sexologue, est actuellement en train de mettre sur pied un programme dédié à la sexualité des personnes malades, ouvert aussi à leurs partenaires. "Le corps est tellement médicalisé quand on est en traitement que l’on oublie que la vie affective et sexuelle fait partie du bien-être de la personne. On sait par ailleurs que les traitements fonctionnent mieux quand les patientes se sentent bien dans leur peau".
Plusieurs études françaises, dont une effectuée par l’Institut nationale du cancer, soulignent l’impact de la maladie sur le taux de séparation des couples. En Suisse, les rapports scientifiques sur le sujet se font rares. Certains établissent néanmoins un lien entre cancer et délitement du couple.
"Les études prouvent que le cancer peut agir comme un catalyseur qui exacerbe les tensions relationnelles. La maladie peut donc accélérer le processus de séparation chez les couples fragilisés", conclut la docteur Sarah Cairo Notari.
Propos recueillis par Fanny Moille
Adaptation web : Sarah Jelassi