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L'exemple d'un patron favorable à l'initiative "entreprises responsables"

Hugo van Buel s'exprime sur l'initiative pour des multinationales responsables (vidéo)
Hugo van Buel s'exprime sur l'initiative pour des multinationales responsables (vidéo) / La Matinale / 8 min. / le 20 octobre 2020
Certains patrons sont favorables à l'initiative "pour des entreprises responsables", à l'image d'Hugo van Buel, qui l'estime totalement bénéfique. Le texte est soutenu à gauche, mais il divise la droite et les entrepreneurs.

"Tout ce qui touche aux certifications prend aujourd'hui une dimension énorme", a souligné mardi Hugo van Buel dans La Matinale, pour justifier son soutien à l'initiative populaire, en votation le 29 novembre. Il est directeur de Cla-Val Europe, basée dans le canton de Vaud, leader mondial dans les vannes utilisées pour les réseaux d'eau, dans la protection anti-incendie mais aussi l'aviation. Avec 70 employés en Suisse et environ 500 dans le monde, l'entreprise serait directement concernée par les nouvelles prescriptions de l'initiative.

Elle demande que les sociétés suisses qui travaillent avec des entreprises étrangères puissent être jugées en Suisse s'il y a des cas de travail des enfants, par exemple, ou de pollution de l'environnement à l'étranger. "Nous avons tout intérêt, demain, à mieux pouvoir contrôler toutes les plateformes qui nous demandent des documents et à mieux les gérer, au même titre que des normes de type ISO 9001", argumente Hugo van Buel.

Faciliter la vie des entreprises

"Aussi étonnant que cela paraisse, l'initiative faciliterait la vie des entreprises", relève le directeur de Cla-Val. Non seulement dans le domaine des certifications, mais aussi dans celui que les Anglo-Saxons appellent le "same level playing field", soit une égalité des chances pour tous les acteurs.

Et le patron de citer l'exemple de la Chine dans le domaine des fonderies, qui a introduit des normes environnementales très strictes. "Au point que la Chine nous demande parfois de fermer sous 24 heures nos propres fonderies ou nos partenaires avec qui nous travaillons. Ceci parce que les autorités 'monitorent' l'entier de la pollution dans toute une région".

C'est donc le gouvernement qui mesure les émissions des fonderies et qui demande d'abaisser les seuils. La tentation est alors grande pour certaines entreprises d'aller voir ailleurs, où les normes sont moins restrictives. Le "same level playing field", soit appliquer les mêmes règles pour tout le monde, permet de contrer cette tendance.

Traiter les gens avec dignité et respect

Hugo van Buel balaie les arguments des opposants à l'initiative, qui affirment que les entreprises suisses seraient désavantagées si elles devaient se soumettre aux règles les plus restrictives du monde, au risque d'abandonner leurs activités sur place. Alors que Cla-Val détient de nombreuses certifications dans les domaines de l'eau potable ou de l'aviation, où la protection de vies humaines est en jeu, le patron établit un parallèle avec un chirurgien qui doit aller opérer dans des conditions difficiles, mais qui doit avoir un minimum requis pour pouvoir opérer. "Si le minimum requis, pour nous, est de traiter les gens avec dignité et respect, on opère partout dans le monde".

Aucun problème à appliquer le texte

Mais ce qui est favorable à Cla-Val l'est-il aussi pour de plus grandes entreprises, pour des multinationales? Hugo van Buel est catégorique: "Nous travaillons avec les plus grandes société au monde, comme Saudi Aramco ou Hyundai, en leur fournissant nos produits. Et elles nous demandent elles-mêmes ces vérifications. Alors il est piquant de voir qu'eux arrivent à le faire et montent leurs vérifications et qu'en Suisse ce serait un problème. Je crois que c'est une plaisanterie! Il n'y a aucun problème pour le faire".

Et pour étayer l'utilité de cette initiative, Hugo van Buel souligne qu'il s'est déjà occupé cette année d'une vingtaine de documents qui traitent du problème de l'esclavage et du trafic d'êtres humains. "On est en 2020! L'esclavage, ça remonte à quand? C'est incroyable!", lance-t-il. Selon lui, il faut que la réglementation pour les spécifications soit claire pour négocier avec les clients.

Carte à jouer pour la Suisse

Pour le patron de Cla-Val, la Suisse a une carte incroyable à jouer avec ce texte: "La réputation de la Suisse à travers le monde est excellente. Les gens, quand ils voient une entreprise suisse, ont une perception de qualité, mais aussi d'intégrité, qui est encore beaucoup plus forte". A ses yeux, les nouvelles normes permettraient d'obtenir une sorte de "label suisse", ce qui serait "extrêmement fort".

"Une tendance mondiale se dessine, qui veut que non seulement le produit soit parfait, mais aussi que la manière de le créer soit prouvée", assure Hugo van Buel. A ce titre, les agriculteurs, avec leurs labels, sont en avance, conclut-il.

Pour la votation du 29 novembre, le Conseil fédéral rejette l'initiative et propose un contre-projet.

Le 30 septembre, La Matinale interrogeait un patron opposé à l'initiative, Marco Dunand, à la tête de Mercuria, entreprise genevoise engagée essentiellement dans le négoce de pétrole et de produits pétroliers.

>> Ecouter l'interview de Marco Dunand:

Interview radio: Valérie Hauert

Adaptation web: Jean-Philippe Rutz

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