Depuis jeudi dernier les visites sont totalement interdites dans les EMS valaisans. Une forme de double peine pour les résidents et leur famille. Pour l'heure, le Valais est le seul canton à avoir décrété un huis clos (lire encadré).
Par ailleurs, les ministres latins de la santé prônent une limitation et un encadrement strict des visites dans les EMS. Partout en Suisse romande, des EMS sont touchés par le coronavirus et plusieurs cantons qualifient la situation "de très délicate".
Chiffres jugés alarmants en Valais
En Valais, les chiffres sont jugés alarmants: seize institutions sur cinquante-et-une sont concernées. Plus de 150 résidents et une centaine de soignants sont malades. Vingt-cinq décès sont à déplorer, malgré les précautions en vigueur depuis le printemps: protocoles de prise en charge, matériel de protection en suffisance, ou encore quarantaine pour les nouveaux résidents.
Un plan de bataille auquel s'ajoute donc désormais l'interdiction de visites: "Je ne pense pas qu'on a baissé la garde: j'en suis sûr", affirme Arnaud Schaller, président de l'AVALEMS, la faîtière des EMS valaisans, au micro de La Matinale.
"Il faut aussi voir que la situation épidémiologique est beaucoup plus difficile que lors de la première phase: il est donc inévitable que le virus rentre à nouveau dans les EMS. Il y a aussi eu toute cette partie sociale où nous avons rouvert les visites: nous avons eu de grandes difficultés durant l'été à faire respecter les mesures barrières aux familles, aux visiteurs. Ça a été très difficile: un combat! J'utilise ce terme, car cela a été à des moments très très durs avec certaines familles".
"Aujourd'hui, on sait qu'il y a deux vecteurs de virus: le personnel des EMS, personne ne le nie, et ce sont les visites", ajoute Arnaud Schaller. "C'est la raison pour laquelle cette décision a été prise: on va essayer tant qu'on peut de réduire le risque d'introduction du virus".
Deuxième isolement de l'année
En Valais, les EMS sont isolés pour la deuxième fois de l'année. Les résidents vivent cette situation de façon assez variable, comme en témoigne cette pensionnaire d'un home à Sion: "Je trouve que c'est très bien, surtout que si Philippe, le fiston, il vient avec sa compagne et les petits-enfants... je lui dirai carrément qu'il ne faut pas qu'il vienne ici. Moi, je suis très bien ici. Quand il pourra revenir, il reviendra. Mais pour le moment, ça ne me gêne pas du tout. J'ai toujours quelque chose à faire: j'ai les sudokus qui me passionnent!"
Quant aux autres résidents, certains "rouspètent: surtout au début, ils ont dit 'Pourquoi ici? Pourquoi n'avons-nous pas le droit à des visites?' Je leur ai dit que ce n'était pas une punition, mais une protection pour nous", explique par téléphone cette dame de façon très pragmatique.
Effets psychologiques sur les résidents et les familles
Reste que les EMS sont bien conscients des effets psychologiques d'un nouveau huis clos sur certaines personnes peut-être plus fragiles. Et notamment sur les familles.
C'est le constat de la directrice du home du Glarier à Sion, Geneviève Latham. qui a mené cet été des groupes de discussions entre les pensionnaires et leurs proches: "Ce qu'on a vu, au printemps, c'est que les familles souffraient plus que les résidents. Il ne faut pas oublier que la moyenne d'âge d'entrée est de 87 ans. Que pour entrer dans une institution comme la nôtre, vous avez besoin de soins. Donc les personnes qui sont chez nous sont conscientes qu'elles ont besoin de ces soins. Après, c'est la fameuse grande discussion: où mettre le curseur entre les besoins individuels et collectifs. On va devoir gérer ici du collectif. Et le collectif dit prendre soin du plus faible".
Pour maintenir le lien entre les seniors et leurs proches, les établissements valaisans ont par exemple engagé plus de téléphonistes, passent plus d'appels Skype ou Facetime.
Le home du Glarier à Sion étudie la possibilité de réintroduire des visites – à distance – dans son jardin, en aménageant des chaufferettes.
>> A consulter également :
Julie Rausis/sjaq
Une approche différente à Genève
La mesure de huis clos prise en Valais avait aussi été décidée à Genève au printemps.
Depuis, les établissements genevois ont pris des mesures pour faire face à une éventuelle deuxième vague, comme l'explique le conseiller national vert genevois et vice-président des Verts suisses Nicolas Walder, également président de la fédération genevoise des EMS, au micro de La Matinale: "Cette mesure assez drastique qui vise à confiner tous les établissements n'est pas recommandée à Genève".
Le député précise que les mesures dépendent des établissements qui ont plus ou moins d'espace: "Certains ont pu mettre en place des semi-confinements beaucoup plus performants que d'autres. En fonction de l'établissement, en fonction des cas de contaminations, les EMS prennent des mesures. Certains établissements, à Genève, ont décidé de suspendre les visites pendant un certain temps au vu des contaminations".
Nicolas Walder note qu'actuellement cinquante-huit résidents ont été contaminés au Covid-19 sur plus de 4000 personnes: "Cela représente treize établissements sur cinquante-quatre qui sont touchés par un ou plusieurs cas de coronavirus. Près de la moitié des cas n'ont touché qu'un seul établissement… dont la contamination s'est faite par le conjoint d'une résidente. C'est un cas particulier. Cet EMS a confiné ses résidents et est aujourd'hui en train de gérer la situation".
Pour lui, les gestes barrières, en général, ont été bien intégrés, également au sein des établissements médico-sociaux.
Interview radio: Romaine Morard
Adaptation web: Stéphanie Jaquet