Alors que plusieurs pays voisins de la Suisse prennent des mesures drastiques anti-Covid-19 (nouveau confinement en France, bars et restaurants fermés en Allemagne), la Suisse se contente pour l'heure de mesures intermédiaires. Seront-elles suffisantes pour enrayer la progression du virus?
"Je ne suis pas totalement sûr que ces mesures parviendront à casser la croissance exponentielle actuelle, qui est très inquiétante pour notre système de santé", a averti jeudi dans La Matinale l'épidémiologiste Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale à l’Université de Genève.
Je ne suis pas totalement sûr que ces mesures parviendront à casser la croissance exponentielle actuelle du virus
Il estime toutefois qu'une partie du chemin a déjà été faite. "Le taux de reproduction, qui était de 3 au mois de mars (une personne en contamine trois), a été réduit à 1,5, et tout cela grâce aux gestes barrières. Peut-être que les mesures qui doivent être prises ne sont pas aussi fortes que celles du mois de mars", rassure-t-il.
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Pas suffisant pour faire baisser les chiffres
Elles ne suffiront cependant probablement pas pour passer sous la barre de 1. "Ce qu'il faut, ce sont des mesures de confinement, la fermeture des bars et des restaurants. Ce sont des mesures très lourdes, mais comment voulez-vous qu'on y aille sereinement en ce moment? Il faut rester chez soi et accepter des mesures fortes pour pas très longtemps", prône Antoine Flahault, qui cite l'exemple de l'Irlande, où le reconfinement a été remarquablement efficace.
Pour lui, il faut se concentrer sur les endroits où la transmission se fait, essentiellement chez les jeunes. "C'est dans les université, les hautes écoles, l'enseignement secondaire, mais aussi dans les restaurants, les bars, les salles de sport ou encore les lieux de culte, là où il y a des gens qui chantent. Il faut cibler ces endroits, frapper un peu plus fort sur ceux où des clusters ont été repérés."
Confiner pour pouvoir, ensuite, alléger les mesures
"Le Pays de Galles, par exemple, a proposé un confinement pour 15 jours et c'est bien, parce qu'au bout de 15 jours, on peut voir si on a repris le contrôle. Après, on peut alléger les mesures. On peut réévaluer la situation et peut-être avoir des aménagements qui peuvent permettre à l'économie de vivre", propose-t-il encore, tout en disant "comprendre la position suisse, qui est de se dire qu'il faut qu'on tienne dans le temps".
Antoine Flahault regrette aussi de ne pas entendre assez parler de la voie de transmission par aérosol, de ventilation dans les établissements scolaires ou dans les entreprises, ou encore de télétravail, dont il regrette "la promotion encore très timide en Suisse".
Je ne vois pas trop comment les fêtes de Noël pourront être intergénérationnelles et familiales cette année, malheureusement, tant qu'on a pas de vaccin
Quant aux fêtes de fin d'année, c'est râpé à ses yeux: "Je ne vois pas trop comment les fêtes de Noël pourront être intergénérationnelles et familiales cette année, malheureusement, tant qu'on a pas de vaccin. J'ai peine à croire qu'on va pouvoir prendre des repas familiaux avec ses parents et ses grands parents", doute l'épidémiologique. "On pourra peut-être préconiser de les voir en milieu extérieur, avec de bons pull-overs et des anoraks. Mais je crains que la dinde de Noël autour d'une table soit un peu compliquée".
Propos recueillis par Romaine Morard
Adaptation web: Vincent Cherpillod