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L'interdiction du financement des producteurs de matériel de guerre en question

Le débat - Quel financement pour les producteurs de matériel de guerre ?
Le débat - Quel financement pour les producteurs de matériel de guerre ? / Forum / 25 min. / le 26 octobre 2020
Le 29 novembre, les Suisses et les Suissesses sont invités à se rendre aux urnes pour voter sur l'initiative "Pour une interdiction du financement des producteurs de matériel de guerre".

En Suisse, il faut une autorisation pour fabriquer ou exporter du matériel de guerre. Il est par ailleurs interdit de fabriquer, de faire commerce ou de financer la production d'armes nucléaires, biologiques et chimiques, de mines antipersonnel et d'armes à sous-munitions.

Le comité d’initiative estime que cette interdiction ne va pas assez loin et veut donc l’étendre au financement du matériel de guerre quel qu’il soit, en englobant par exemple les fusils d’assaut, les véhicules blindés et leurs composants.

Le texte interdirait également d’octroyer des crédits aux producteurs, ou de détenir des actions de ces producteurs ou des produits d’investissement comme des fonds contenant de telles actions. L’interdiction s’appliquerait aussi à la Banque nationale suisse, aux fondations, à l’AVS/AI et aux caisses de pension. La Suisse devrait en outre s’engager dans le monde entier afin que l’interdiction de financement s’applique aussi aux banques et aux assurances.

Les arguments des partisans

Les armes peuvent faire beaucoup de mal, lance en préambule le comité d'initiative, qui estime donc contraire à l’éthique que l’argent des institutions financières suisses soit affecté à leur production.

Face à l'inquiétude pour l'avenir des retraites, les initiants affirment que les caisses de pension pourraient aussi obtenir des rendements à la hauteur du marché sans investir dans des entreprises d’armement.

Lancée en juin 2018 par le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) et les jeunes Verts, l'initiative est soutenue politiquement par les Verts, le Parti socialiste et les autres partis de gauche, ainsi que plusieurs ONG comme Terre des hommes ou Solidarité sans frontières.

Les arguments des opposants

Pour le Conseil fédéral et le Parlement, l’interdiction de financement en vigueur remplit bien son objectif et l’initiative va clairement trop loin et ne permettra pas d’éviter des guerres. Pour les opposants, elle ferait en revanche diminuer les rendements de l’AVS/AI et des caisses de pension, mettrait en danger la place financière suisse et affaiblirait l’industrie suisse et ses PME.

Etendre l'interdiction de financement aux banques pénaliserait encore plus les PME, aux yeux du gouvernement. Si elles tombent dans la catégorie des producteurs de matériel de guerre, à savoir toute entreprise dont plus de 5 % du chiffre d’affaires annuel provient de la fabrication de matériel de guerre, ces dernières ne pourraient plus contracter de crédits bancaires et perdraient ainsi leur capacité d'investissement et leur compétitivité, assurent les opposants à l'initiative. Des pertes d'emplois et de savoir-faire seraient à craindre.

Le Parlement et le Conseil fédéral rejettent donc le texte, comme les autres partis politiques à l'exception du camp rose-vert. Aucun contre-projet ne lui est opposé. En 2009, le GSsA a échoué avec une initiative semblable, qui voulait interdire les exportations de matériel de guerre. Au total, 68,2% des votants l'avaient rejetée.

Victorien Kissling

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