"Ce qui me préoccupe le plus, c'est que si on a cette loi, peut-être qu'on ne pourra pas rester dans tous les pays là où on doit être, où on forge le développement", indique Paul Bulcke lundi dans La Matinale.
Celui-ci évoque le cas du Venezuela, où Nestlé emploie plus de 2500 personnes. "Ces milliers de familles ont confiance en nous. On y est, on reste. Ce n'est pas pour des raisons économiques. Est-ce qu'on pourra encore le faire s'il y a cette possibilité d'être attaqués avec des plaintes, qu'on doit justifier notre présence?", interroge l'homme d'affaires binational belge et suisse.
Un départ de la Suisse?
La première entreprise agro-alimentaire du monde pourrait-elle quitter la Suisse en cas d'un "oui" le 29 novembre? "Je ne réponds pas à ça. Ce n'est pas une loi ou un texte qui conditionne l'existence ou la présence d'une entreprise comme Nestlé", lance son président.
L'initiative populaire "Entreprises responsables – pour protéger l’être humain et l’environnement" veut obliger les sociétés qui ont leur siège en Suisse à examiner régulièrement les conséquences de leurs activités sur les droits humains et sur l'environnement. Elles devront effectuer cette procédure tant pour leurs activités sur sol helvétique que pour celles à l'étranger.
Les multinationales devront aussi répondre des dommages causés par leurs filiales, mais pas pour les actions de leurs fournisseurs.
"Beaucoup d'émotion"
Pour Paul Bulcke, l'initiative va trop loin: "Les entreprises ne sont pas seulement responsables pour ce qu'elles font, mais aussi pour tous ceux qui sont liés de près ou de loin avec ses activités. De plus, on est coupables dès qu'il y a une plainte jusqu'à ce qu'on prouve le contraire", explique-t-il.
Le patron belgo-suisse rappelle la "noblesse" à la base de l'initiative. Mais selon lui, il ne faut pas s'y méprendre. "Qui est contre les droits humains? Et contre protéger l'environnement? Personne. Il y a beaucoup d'émotion dans l'air. Il faut regarder le texte."
Soutien au contre-projet
Paul Bulcke se prononce en faveur du contre-projet indirect élaboré par le Parlement et soutenu par le Conseil fédéral. Selon ce texte, les obligations auxquelles les entreprises seraient soumises se réduiraient à un devoir de diligence dans les domaines "minerais de conflit" et "travail des enfants". Seules les "sociétés d’intérêt public" devraient rendre un rapport.
Nestlé est membre du comité économique "non à l'initiative multinationales". La multinationale ne finance toutefois pas la campagne, assure son président.
Propos recueillis par David Berger
Adaptation web: Guillaume Martinez