Si les avis divergent, "le pasteur ou le curé ne doit surtout pas donner de mot d'ordre en matière de votation", estime dimanche dans l'émission Hautes Fréquences Claude Ruey, ancien conseiller d'Etat PLR.
"Je me baladais dans les vignes et puis je me suis retrouvé devant la cure du pasteur avec cette affiche orange 'Pour des multinationales responsables'. Personnellement, je voterai oui à cette initiative, mais je n'accepte pas que mon pasteur me dise ce que je dois voter! Ce que je lui demande, c'est d'être le berger de toute la communauté", déclare Claude Ruey.
Il insiste sur le mot "toute". Car pour lui, le ministre doit appeler à la responsabilité, indiquer quelles sont les valeurs éthiques et bibliques en cause, "en sachant que leur application dans le monde n'est jamais univoque!"
Plus de 650 paroisses de Suisse se sont pourtant prononcées en faveur de l'initiative. A Yverdon-les-Bains, le pasteur Guillaume N'Dam et son homologue catholique Philippe Baudet en ont fait l'objet de leur célébration dimanche 25 octobre, en organisant dans la foulée et ensemble un débat contradictoire.
Etre thermostat
A cette occasion, les mots du pasteur Martin Luther King invitant ses fidèles à être thermostat "qui transforme et règle la température" et non pas thermomètre "qui l'indique seulement" ont été rappelés dans le temple.
"Ne pas faire de politique, c'est déjà prendre position politiquement", a pour sa part indiqué Jean-Claude Huot, agent pastoral catholique, citant l'ancien évêque de Bâle Kurt Koch. "Car c'est accepter le statut quo."
Et de poursuivre avec le pape François qui estime que la charité implique des prises de position politiques: "Dans l'encyclique Laudato si', il dit que l'amour, fait de gestes d'attention mutuelles, est aussi civil et politique; et qu'il se manifeste dans toutes les actions qui essaient de construire un monde meilleur". Le premier critère pour une prise de position dans le champ politique serait donc la mise en difficulté des plus fragiles et des plus pauvres de la planète.
Recours au droit
Pour Jean-Pierre Grin, conseiller national UDC et l'un des débatteurs à Yverdon-les-Bains, "l'initiative va dans le bon sens, mais pas avec les bons moyens. Elle va trop loin dans le juridisme", a-t-il estimé, non sans souligner être plutôt favorable à la médiation, la discussion avec les grandes entreprises.
Mais quand il y a des personnes qui sont directement impactées et qui souffrent du comportement de certaines d'entre elles dont le siège est en Suisse, alors il faut que le droit intervienne, lui a répondu Jean-Claude Huot. "Est-ce qu'une vie humaine a moins de valeur en Afrique ou en Colombie qu'ici?", s'est-il par la suite exclamé.
"Rien n'a changé"
Un documentaire intitulé "Multinationales: l'enquête" tourne actuellement dans les églises et divers cinémas des villes suisses. "Notre initiative demande quelque chose de vraiment très simple", y déclare Dick Marty, membre du comité d'initiative: "la mise en œuvre d'un principe valable dans toute société civile, principe selon lequel chacun doit répondre de ses propres actions."
Des habitants du village nigérian d'Ewekoro prennent la parole à leur tour. Ils disent souffrir de maladies pulmonaires notamment depuis que LafargeHolcim exploite une cimenterie à quelques mètres de leurs maisons. "Nous avons attiré l'attention de la multinationale sur les problèmes que nous vivons. Mais nous n'avons obtenu jusqu'à présent que des promesses vides. Rien n'a changé."
Gabrielle Desarzens / RTSreligion