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Imposition des entreprises: duel gauche/droite

Les riches contribuables zurichois verront leurs impôts baisser.
Gauche et droite s'affrontent sur cette réforme très importante
Coup de pouce aux PME ou cadeau aux gros actionnaires? La droite a une vision de la baisse de l'impôt perçu sur les dividendes diamétralement opposée à celle de la gauche, à l'origine du référendum. Verdict le 24 février.

Cette réforme de l'imposition des entreprises, réclamée pour
compléter celle de 1997 en faveur des holdings, veut réduire la
charge qui pèse sur les patrons. Pour ses partisans, Conseil
fédéral et partis bourgeois en tête, les allègements fiscaux
encourageront les entrepreneurs à investir plutôt qu'à thésauriser,
avec à la clé des impulsions pour la croissance et l'emploi.

L'atténuation de la «double imposition économique» est au centre
du projet. Actuellement, les bénéfices d'une société anonyme (SA)
ou d'une société à responsabilité limitée (Sàrl) sont taxés
intégralement une première fois en tant que tels, puis une deuxième
quand ils sont versés sous forme de dividendes.

Imposition partielle

Désormais, un actionnaire qui reçoit, par exemple, 1000 francs
de dividendes ne paiera plus l'impôt à la Confédération sur 1000
francs, mais sur 600 francs (imposition à 60%) si cette somme tombe
dans la fortune privée, et sur 500 francs pour la fortune
commerciale (50%).



Déjà au Parlement, la discussion a tourné au dialogue de sourds.
La gauche a plaidé le statu quo, alors que la droite majoritaire,
fidèle à la ligne libérale, s'est montrée plus généreuse que le
gouvernement. Ce dernier prônait au départ une imposition partielle
à hauteur respectivement de 80% et 60%. Dans les 17 cantons où elle
existe déjà, la part taxée oscille entre 20% à Glaris et 70% à
Zoug.

Participation minimale

L'application du nouveau régime aux détenteurs de 10% au minimum
du capital d'une société de capitaux fait par ailleurs bondir les
opposants. Avec cette participation qualifiée «arbitraire», seuls
8400 «gros actionnaires» d'entreprises dégageant plus de 50'000
francs de bénéfice par an seront concernés, selon eux.



Le camp rose-vert n'hésite d'ailleurs pas à parler de privilège
contraire à la constitution fédérale. Abaisser le revenu pris en
considération par le fisc, de surcroît uniquement pour certains
investisseurs, est inadmissible alors que le 100% des salaires et
des rentes continuera d'être taxé. Une analyse contestée par les
supporters de la réforme.



Quant à la participation qualifiée de 10%, elle vise à favoriser
les entrepreneurs qui prennent des risques dans leur société, et
non les boursicoteurs, rétorquent-ils. Et d'assurer que personne ne
possède 10% de Nestlé, Novartis ou ABB.

Pertes

La droite prédit en outre que le dynamisme de l'économie
compensera les pertes fiscales à terme. Dans l'immédiat, le manque
à gagner est estimé à 55 millions de francs par an pour la
Confédération (sur environ 250 millions encaissés avec le système
actuel).



Pour les cantons, la facture est évaluée «au maximum» à 350
millions (sur 2,85 milliards environ). Supportable vu les quelque
100 milliards que l'ensemble des impôts rapportent à la
Confédération, aux cantons et aux communes. Les prélèvements sur le
revenu des personnes physiques y contribuent pour près de 45
milliards.



La gauche, elle, pronostique jusqu'à 900 millions de pertes. De
plus, l'AVS risque d'être privée de 150 millions (130 millions au
plus selon le gouvernement) car les patrons pourraient préférer se
rémunérer en dividendes, non soumis aux cotisations sociales,
plutôt qu'en salaire.



S'y ajoutent les pertes liées aux autres volets de la réforme. Le
dégrèvement des bénéfices de liquidation devrait coûter 27 millions
à la Confédération, tandis que les cantons perdraient 500 millions
avec l'exonération de l'impôt sur le capital.

Autres entreprises

Les mesures pour faciliter la vie des sociétés de personnes
(entreprise individuelle, société en nom collectif, en commandite),
qui représentent 65% des 300'000 PME recensées en Suisse, sont par
contre incontestées. Il s'agit en particulier de simplifier leur
réorganisation et d'aplanir les obstacles qui bloquent de
nombreuses successions.



Cette question touche plus de 50'000 indépendants, d'après une
étude. Conscient de l'urgence dans le domaine, le camp rose-vert a
déjà déposé une motion pour vite repêcher ces éléments si le «non»
l'emportait dans cinq semaines.



ats/tac

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Quelques autres volets de la réforme

Pour les sociétés de capitaux:

Les sociétés de capitaux et les coopératives détenant une participation dans une entreprise pourront bénéficier d'une extension de la déduction fiscale fédérale appelée «réduction pour participation». Celle-ci sera applicable dès que leur participation atteint 10% ou représente au moins 1 mio (actuellement: 20% ou 2 mio).

Introduction du principe de l'apport en capital. Les apports de capitaux fournis par les actionnaires ou les associés pourront être remboursés en franchise d'impôt. Seul le bénéfice réalisé par la société grâce au capital apporté et distribué aux détenteurs des participations sera soumis à l'impôt sur le revenu.

Pour les entreprises de personnes:

Actuellement, la plus-value obtenue lors de la vente d'un moyen de production, par exemple un camion, est exonérée d'impôt si elle sert à acheter un nouveau camion. Désormais, l'exonération vaudra aussi si le gain réalisé est investi dans l'acquisition d'un moyen de production remplissant une autre fonction, par exemple un ordinateur.

En cas de cessation de l'exploitation ou de transfert d'une entreprise à un tiers, le bénéfice réalisé lors de la liquidation sera imposé à un taux préférentiel. Les contributions à la prévoyance professionnelle pourront être déduites. En cas de décès d'un entrepreneur, des allègements seront consentis aux héritiers qui ne reprennent pas l'entreprise sous la forme d'un report de l'imposition des réserves latentes.

Lorsqu'un immeuble est transféré de la fortune commerciale à la fortune privée, par exemple en raison d'un changement d'affectation, le gain immobilier ne sera imposable qu'une fois que le bâtiment concerné aura été effectivement vendu.

Les titres faisant partie de la fortune commerciale seront soumis à l'impôt sur la fortune comme les autres éléments de la fortune commerciale mobilière. Ils seront donc taxés en fonction de leur valeur comptable, et non plus de leur valeur vénale.