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Avions de combat: Franz Weber à l'interview

A 80 ans, Franz Weber poursuit son parcours de militant écologiste.
A 80 ans, Franz Weber poursuit son parcours de militant écologiste
Lancée en 2005, l'initiative de Franz Weber demandant l'interdiction des avions de combat dans les zones touristiques touche à son but: elle sera soumise au peuple le 24 février prochain. L'occasion de faire le point avec le principal intéressé.

Franz Weber nous a reçus dans la villa de sa fondation, à
Clarens (VD). Entre deux piles d'archives retraçant sa carrière de
militant - "j'ai des cartons remplis au grenier" -, il exprime son
ras-le-bol face aux "agressions" des F/A-18. Et le trublion
écologiste n'a rien perdu de sa verve, lui qui, à 80 ans, avale
encore les marches d'escalier deux par deux...et au pas de course,
s'il vous plaît!



TXT: Franz Weber, un écologiste à
l'assaut des avions de combat de l'armée, c'est un peu cliché,
non?




FRANZ WEBER: je ne pars pas au combat contre
l'armée, mais contre ses excès. Le bruit et la pollution, ce sont
des excès. La Constitution le dit: la Suisse doit protéger son ciel
et veiller à la sécurité du pays. Mais il est aussi écrit que la
Confédération doit veiller au bien-être de la population.

- Expliquez-nous ce qui vous a poussé à vous engager
personnellement.




- Avant l'arrivée des F/A 18, il y avait les Tigers. Ces avions
étaient cinq fois moins bruyants que les F/A 18. On pouvait vivre
avec. Maintenant il existe les F/A 18, des avions de guerre faits
pour les grandes étendues des USA, pas pour les petites vallées et
les petits aéroports de Suisse, sur lesquels il faut décoller en
post-combustion. C'était un achat erroné! J'ai été interpellé et je
suis allé moi-même "déguster" le bruit dans l'Oberland bernois. Là
je me suis dit: "ce n'est pas possible, il faut préserver la
région". Et alors que je pensais lancer une initiative cantonale
bernoise, les Valaisans m'ont approché et nous avons décidé d'agir
au niveau fédéral.

- Quand Samuel Schmid
déclare que votre initiative met en péril l'existence de l'aviation
militaire, voire même de l'armée, on imagine que vous bondissez de
votre chaise..
.



- C'est de la rigolade! Cela m'écoeure que le Conseil fédéral
puisse mentir à ce point. Il sait très bien que ce n'est pas le
cas. Ce n'est pas le cas du tout, vous comprenez?

- On pourrait toutefois se retrouver avec une région
comme le Jura, par exemple, qui ne serait peut-être pas considérée
comme une zone touristique. Faudrait-il y déplacer les
exercices?




- Ce n'est pas l'objectif. Ce qu'il faut, c'est prévoir plus
d'aéroports où il n'est pas nécessaire d'utiliser la
post-combustion au décollage. L'armée a réduit le nombre
d'aéroports de 15 à 3. Pourquoi concentrer tous les vols sur trois
régions, dont deux sont les centres de notre tourisme? C'est de la
folie!



- Mais votre initiative, qui parle d'interdiction dans
les zones touristiques, sera difficilement applicable dans un pays
aussi petit que la Suisse.




- Absolument pas. Si le texte est accepté, une loi d'application
sera élaborée. Les cantons devront définir quelles sont les zones
touristiques et lesquelles ne le sont pas.



- Vous n'êtes donc pas opposé à la protection de
l'espace aérien, comme lors d'événements tels que
l'Euro?




- Ces événements ne sont pas concernés par l'initiative.



- Pour être performant lors de tels événements, il
faut pourtant que les pilotes disposent d'espace
d'entraînement.




- Alors qu'on ouvre plus d'aéroports!



- C'est donc ça le seul problème?



- Oui. C'est le concept de stationnement qui est complètement
erroné. Si l'armée avait ouvert plus d'aéroports, on aurait pu
retirer l'initiative.



- Vous avez essayé de négocier avant de lancer une
initiative populaire?




- Nous n'avons jamais pu discuter. Ils prétendent que oui mais
c'est faux. C'était un vrai dialogue de sourds.



- L'armée a fait des efforts pour réduire les
nuisances (moins de vols, période limitée, vol en haute altitude,
entraînements à l'étranger, simulateur, etc.). N'est-ce pas
suffisant?




- C'est de la foutaise! Demandez l'avis des habitants de
Sion...



- Si les nuisances sont si importantes pour le Valais,
comment expliquer alors que l'ensemble des acteurs touristiques
valaisans sont opposés à votre initiative?




- Parce qu'ils vivent des subventions de l'armée (ndlr: l'armée
soutient notamment l'aéroport de Sion à hauteur de 4,5 millions par
an)!



- Ce n'est pas la seule raison. Les chiffres de Valais
Tourisme montrent qu'il n'y a pas eu de baisse des nuitées depuis
l'arrivée des F/A 18.




- Ecoutez, soyons sérieux. Le franc suisse est faible, la Suisse
est bon marché si on la compare avec l'Europe. Les touristes
viennent en Suisse, et ce n'est certainement pas pour les avions!
D'ailleurs, beaucoup de touristes ne reviennent pas et se demandent
si la Suisse est en état de guerre! En revanche, beaucoup de
Suisses ne vont plus en vacances à l'étranger, mais restent en
Suisse. Il faut aussi penser à eux! Combien de téléphones ai-je
déjà reçu de personnes qui me disent: "Monsieur Weber, j'étais
habitué à me rendre à telle ou telle place, maintenant je ne peux
plus à cause du bruit".



- Mais Valais Tourisme prétend ne recevoir que très
peu de plaintes...




- Peut-être, mais demandez aux hôtels à Sion ou à Nendaz. C'est
invivable! Les opposants sont des opportunistes. D'ailleurs,
l'initiative m'a montré ce qu'est la vraie politique...



- Que voulez-vous dire?



- Je n'ai jamais été attaqué à ce point. Je suis devenu l'ennemi
public no1. On a dit que je m'étais engagé à cause de «mon» hôtel à
Gissbach, mais ce n'est pas vrai. Je ne suis pas un égoïste. Un
journal (ndlr: 24 Heures) a aussi parlé de populisme éhonté et
d'anti-américanisme primaire. C'est incroyable! Je suis sûrement
plus patriote que tous ceux qui m'attaquent, parce que je défends
les vrais intérêts de la Suisse.



TXT/propos recueillis par Patrick Suhner

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"L'armée, c'est Dieu le père"

Interrogé sur le manque de soutien de la sphère politique, Franz Weber fournit une réponse plutôt laconique:

"Oh, mais les partis de gauche nous soutiennent quand même. Quant aux autres, ils ont peur, tout simplement. Parce que l'armée est intouchable, c'est "Dieu le père". Mais je peux vous dire que même si l'initiative n'est pas acceptée, le problème reste entier! Il faut trouver une solution".

L'écologiste, conscient que son initiative a peu de chance de passer le cap du verdict populaire, reste néanmoins optimiste.

"Le premier succès du texte, c'est d'avoir amené le problème sur la table et créé la discussion. Croyez-vous que Schmid aurait fait une conférence de presse sans cette votation? C'est pourquoi je conseille aux régions touchées, comme le Valais, de bien soutenir l'initiative en vue des négociations futures."

Pour ou contre le bruit des avions de combat

Le 24 février, le peuple suisse se prononcera sur une initiative "contre le bruit des avions de combat dans les régions touristiques en temps de paix".

Le texte a été lancé par Franz Weber et son association "Helvetia Nostra", en 2005, et a été déposé à Berne en décembre dernier munie de 113'049 signatures.

Les initiants s'insurgent en particulier contre le bruit des F/A 18 (jusqu'à 120 décibels) et leur pollution (329'000 tonnes de CO2 rejetées chaque année).

Trois aéroports se partagent actuellement les 12'000 mouvements de jets par an: Payerne, Meiringen et Sion.

L'armée dispose actuellement de 33 avions de combat à réaction de type F/A-18 (Hornet) et 54 jets de type F-5 (Tiger), contre environ 400 appareils dans les années 80.

Les opposants, de leur côté, estiment que le texte porte atteinte à la neutralité et à la souveraineté du pays, empêchant la Suisse de protéger elle-même son ciel aérien. Certains pensent que c'est un premier pas vers la suppression pure et simple de l'armée.

Samuel Schmid a déjà brandi à plusieurs reprises cette menace, ce que conteste vigoureusement Franz Weber.

L'écologiste bénéficie du soutien de la gauche (A gauche toute!, PS et Verts) et du Groupe pour une Suisse sans Armée (GSsA).

A l'inverse, la droite, PDC compris, est opposée à l'initiative, tout comme les milieux touristiques concernés.