En plus de 40 ans de carrière, Ueli Maurer a connu tous les échelons de la politique suisse. Ce fils d'agriculteur, comptable de formation, n'a pas encore 28 ans quand, en mai 1978, il est élu à l'exécutif d'Hinwil, la commune de l'Oberland zurichois où il a grandi. En 1983, il devient député au Grand Conseil du canton de Zurich, puis conseiller national en 1991. Président de l'UDC Suisse pendant 12 ans, représentant de l'aile dure du parti, il accède à la fonction suprême le 1er janvier 2009, succédant à Samuel Schmid. Marié, père de six enfants, Ueli Maurer est major à l'armée.
Ueli Maurer président de parti (1996-2008)
Le 27 janvier 1996, Ueli Maurer, à peine reconduit pour un deuxième mandat au Conseil national, est élu à la présidence de l'UDC Suisse par l'assemblée des délégués. Seul candidat en lice, le Zurichois - très attaché à la défense des paysans sous la Coupole fédérale - ne fait pourtant pas l'unanimité parmi les sections romandes, bernoise et grisonne. Les représentants modérés du parti lui reprochent notamment d'être l'homme de Christoph Blocher, le président de la puissante section zurichoise, fer de lance de l'aile populiste et anti-européenne de l'UDC.
Huit ans plus tard, le soir du 19 octobre 2003, l'UDC remporte haut la main les élections fédérales avec 26,7% des suffrages, devançant le PS de plus de 3,5 points. Ueli Maurer, triomphant, pose un ultimatum: l'UDC revendique un deuxième siège au Conseil fédéral et, menace-t-il, ce deuxième fauteuil doit revenir à Christoph Blocher, sans quoi le parti quittera le gouvernement. Ce chantage, inhabituel sous la Coupole fédérale, porte ses fruits et le tribun zurichois est élu à la place de la démocrate-chrétienne Ruth Metzler.
Lorsqu'Ueli Maurer présente sa démission, le 26 octobre 2007, la formation conservatrice a encore conforté sa place de premier parti de Suisse. Sous la présidence du Zurichois, la force électorale de l'UDC a presque doublé passant de 14,9% à 28,9% au niveau national. Son travail de terrain a par ailleurs permis la création de quelque 600 sections locales et de 12 partis cantonaux. C'est le succès d'une stratégie axée sur la provocation permanente et la semi-opposition - à la fois parti gouvernemental et parti d'opposition.
Revers de la médaille, cette méthode ne permet toutefois pas de convaincre les électeurs lors des scrutins au système majoritaire, pour le Conseil des Etats ou les gouvernements cantonaux par exemple. Autre déconvenue, le 12 décembre 2007, l'Assemblée fédérale décide de ne pas réélire Christoph Blocher au Conseil fédéral, lui préférant l'UDC grisonne Eveline Widmer-Schlumpf. Cet événement, qui entache la fin du mandat d'Ueli Maurer, marque la création du PBD, né d'une scission des sections grisonne et bernoise de l'UDC.
Ueli Maurer conseiller fédéral (2009-2022)
Quand le conseiller fédéral PBD (ex-UDC) Samuel Schmid annonce sa démission en novembre 2008, les démocrates du centre sautent sur l'occasion pour reprendre un siège au Conseil fédéral. Ils lancent dans la course le ministre déchu Christoph Blocher et... Ueli Maurer. L'ancien président de l'UDC est finalement choisi par l'Assemblée fédérale le 10 décembre 2008 au terme d'une élection haletante. Il obtient la majorité absolue au troisième tour de scrutin, devançant son collègue de parti thurgovien Hansjörg Walter d'une seule voix.
Ueli Maurer succède à Samuel Schmid à la tête du Département fédéral de la défense (DDPS) le 1er janvier 2009, promettant de faire de l'armée suisse "la meilleure armée du monde". Il ne ménage pas ses efforts et remporte un net succès lors de la votation sur l'initiative demandant l'abrogation du service militaire obligatoire en été 2013, balayée par près de trois Suisses sur quatre. Mais son règne est surtout marqué par la déconvenue de l'avion de chasse Gripen, rejeté dans les urnes en mai 2014.
Ueli Maurer profite du départ d'Eveline Widmer-Schlumpf pour changer de département et prendre les rênes des Finances au début 2016. Il s'y montre plus à l'aise mais, comme à la Défense, il y connaît aussi des déboires. Ainsi le rejet, en février 2017, de la troisième réforme de la fiscalité des entreprises (RIEIII), projet phare du gouvernement. Deux ans plus tard, le oui au projet Réforme de la fiscalité et financement de l'AVS (RFFA), né sur les cendres de la RIEIII, vient toutefois redorer son blason.
En tant que grand argentier, Ueli Maurer poursuit la politique de contrôle des dépenses et de désendettement menée par ses prédécesseurs Eveline Widmer-Schlumpf et Hans-Rudolf Merz. Seule la crise du coronavirus, qui marque ses dernières années de règne, a raison de cette stricte discipline budgétaire et fait passer les comptes de la Confédération dans le rouge. Durant la pandémie, il se démarque en outre plusieurs fois de ses pairs, flirtant voire dépassant allégrement les limites de la collégialité.
Ueli Maurer président de la Confédération (2013 et 2019)
En quatorze ans au Conseil fédéral, Ueli Maurer a connu deux fois l'honneur de la présidence de la Confédération. La première fois, en 2013, le Zurichois cultive son image d'homme du peuple avant tout, préférant fêter avec la population que serrer les mains des chefs d'Etat étrangers. Il implore la petite Suisse de ne pas céder face aux pressions des puissances internationales, faisant référence au mythe biblique de David contre Goliath.
Six ans plus tard, en 2019, le président Ueli Maurer change de stature et multiplie les rencontres avec les grands de ce monde: avec Xi Jinping à Pékin en avril, avec Donald Trump à Washington en mai ou encore avec Vladimir Poutine à Moscou en novembre. Certains lui reprochent toutefois un excès de cynisme, notamment lorsqu'il annonce un retour à la normale des relations avec l'Arabie saoudite à la suite de l'affaire du journaliste assassiné Khashoggi, ou son manque d'empressement à régler la question européenne.
Didier Kottelat