Une cinquantaine de lits de soins intensifs restaient libres lundi soir en Suisse romande. De bon augure alors que l'épidémie de Covid-19 perd du terrain et que le nombre de malades hospitalisés se stabilise. Mais ce chiffre ne reflète pas la réalité au sein des unités de soins intensifs (USI), encore sous pression.
Pour conserver des places libres malgré la progression de l'épidémie, les USI ont augmenté leurs capacités d'accueil durant la deuxième vague. La plupart d'entre elles fonctionnent depuis plusieurs semaines en surrégime.
"On a créé des espaces, des lits, avec du personnel que nous avons récupéré d'autres services moins impactés que les soins intensifs", explique Jérôme Pugin, chef des soins intensifs des HUG, mardi dans le 19h30.
Surcapacité dans toute la Suisse romande
Un document interne aux soins intensifs romands, obtenu par la RTS, révèle la situation actuelle dans le détail: sur les 312 lits en service, seuls 184 sont des lits certifiés, c'est-à-dire qu'ils remplissent tous les critères de la Société suisse de médecine intensive (SSMI). Ces lits certifiés correspondent aux capacités normales des hôpitaux.
D'après ce document, qui donne l'état des lieux lundi soir, le nombre de lits a augmenté dans tous les cantons romands. La plus forte hausse se situe à Neuchâtel: RHNe est passé de 10 à 26 lits, notamment en rouvrant début novembre un service de soins intensifs sur son site de La Chaux-de-Fonds.
Les hôpitaux vaudois fonctionnent également largement au-dessus de leurs capacités habituelles, puisque les établissements de Nyon, Morges, Rennaz et le CHUV ont plus que doublé leur nombre de lits.
A Genève, les HUG ont opté pour une stratégie différente. Les soins intensifs ont été un peu moins développés (+50%), mais la taille des soins intermédiaires a triplé.
Impact sur la qualité des soins?
Cette augmentation des capacités n'est pas sans conséquence. Elle pose notamment la question de la qualité des soins.
D'après ces données, plus de 40% des lits de soins intensifs ne sont actuellement pas certifiés. Cela veut dire qu'ils ne remplissent pas tous les critères de la SSMI, qui vont du nombre minimum de prises électriques à celui des soignants par lit.
"Les lits de soins intensifs certifiés garantissent la plus haute qualité de soins", explique la Société suisse de médecine intensive. Les capacités peuvent être étendues "dans des situations exceptionnelles" mais le manque de personnel qualifié pose problème: "Comme les ressources sont limitées - surtout les ressources humaines -, les capacités ne peuvent pas être augmentées sans une perte de qualité du traitement à partir d'un certain point."
Selon Jérôme Pugin, la qualité est maintenue malgré la surcapacité actuelle. "On a du personnel non certifié en soins intensifs qui s'occupe de malades mais c'est du personnel qualifié", assure-t-il. "Les soins ne sont pas péjorés. Par contre, ils sont d'une certaine manière priorisés, c'est-à-dire qu'on ne peut pas tout faire pendant la journée avec le personnel qu'on a mais on fait l'essentiel. La sécurité des malades est maintenue", poursuit le chef des soins intensifs aux HUG.
Pas encore d'embellie aux soins intensifs
Combien de temps les services de soins intensifs peuvent-ils tenir en surcapacité? La question reste ouverte.
La baisse du nombre de nouvelles contaminations ne permet pas encore aux hôpitaux de souffler. En raison du décalage entre l'infection et l'entrée aux soins intensifs, ainsi que de la longue durée du traitement, ces services seront les derniers à ressentir l'amélioration de la situation épidémique.
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Valentin Tombez et Estelle Braconnier
"En soins intensifs, on est toujours en activité pleine"
"Les équipes sont fatiguées", confirme Gervaise Barras, cheffe du bloc opératoire de l'Hôpital du Valais, dans le 19h30. D'une part, par la première vague, mais également en raison du flux tendu toujours en cours dans les hôpitaux ,"car malgré les efforts de recrutement, le personnel spécialisé manque", indique la responsable.
A cela s'ajoute encore la formation et l'encadrement que les soignants des soins intensifs donnent aux collaborateurs venus d'autres services, en plus de s'occuper de cas lourds. "Je tiens à les remercier chaleureusement pour leur engagement sur le front", souligne la Valaisanne.
L'impression de calme qui revient - en raison de la diminution des hospitalisations - est donc trompeuse, assure Gervaise Barras. "En soins intensifs, on est toujours en activité pleine, et donc une bonne partie des activités de l'hôpital sont ralenties pour prendre en charge les patients Covid", explique-t-elle.