Seuls huit cantons et demi se sont montrés favorables à l'initiative populaire "Entreprises responsables – pour protéger l’être humain et l’environnement". Le texte a ainsi passé la rampe dans tous les cantons romands, à l'exception du Valais, qui le rejette par 56% des voix. Le Jura l'a plébiscité avec 68,7% de "oui", suivi de Neuchâtel (64,6%), Genève (64,2%), Vaud (59,8%) et Fribourg (56,6%).
Berne a accepté par 54,6% des voix, avec même près de 61% de "oui" dans le Jura bernois et à Bienne. Les habitants de Bâle-Ville ont soutenu le texte à 61,9% de voix, les Zurichois à 52,8% et les Tessinois, à 54,2%. Au final, quelque 1,299 million de personnes ont glissé un "oui" dans l'urne. Environ 1,261 million de personnes ont voté "non".
Cet échec ouvre la voie à l'entrée en vigueur du contre-projet indirect élaboré par le Parlement. L'initiative populaire exigeait des sociétés qui ont leur siège en Suisse de veiller au respect des droits de l'homme et des normes environnementales internationalement reconnues. Ces sociétés auraient dû effectuer ces contrôles pour leurs activités en Suisse, mais aussi pour celles à l'étranger.
Les multinationales auraient répondu des dommages causés par leurs filiales, mais pas pour les actions de leurs fournisseurs. De grands groupes comme Glencore, Syngenta ou Lafarge-Holcim étaient visés. Si une violation était commise par l’une de leurs filiales à l’étranger, la maison-mère en aurait été tenue responsable, à moins qu'elle ne démontre qu'elle a fait preuve de la diligence requise pour prévenir le dommage.
Règles moins sévères
Le contre-projet indirect ne va pas aussi loin. Adopté par une majorité de centre-droit à l'issue d'une longue bataille au Parlement, cette alternative ne réglemente pas explicitement la responsabilité de la maison-mère pour les entreprises contrôlées à l’étranger. Elle n'introduit pas de nouvelles normes, mais prévoit de nouvelles obligations.
A l'avenir, les entreprises concernées devront rendre un rapport annuel sur leur politique dans le domaine des droits de l’homme et de l’environnement. Elles devront aussi faire preuve d’un devoir de diligence en matière de travail d’enfants et de minerais de la guerre.
En cas d’infraction aux nouvelles obligations de rendre compte des risques que font courir leurs activités commerciales à l’étranger, une amende allant jusqu’à 100'000 francs est prévue.
Soutenue par 130 ONG
L'initiative, déposée en octobre 2016, était soutenue par 130 organisations non gouvernementales, d'aide au développement, de défense des droits de l'homme et de l'environnement. Du côté des partis, la gauche l'a soutenu en bloc, alors que les autres partis se sont montrés plus partagés. Le PVL recommandait le "oui", mais sans faire l'unanimité auprès de tous ses membres.
L'UDC et le PLR étaient contre, bien que plusieurs voix dissidentes se soient fait entendre. Le centre était encore plus divisé. Le PBD recommandait le "oui". Le PDC y était opposé, avec là aussi plusieurs parlementaires et les jeunes du parti soutenant le texte.
ats/vkiss
>> Les résultats commune par commune:
Réactions contrastées
Les milieux de l'économie et les partis du centre et de droite sont majoritairement soulagés du rejet de l'initiative. Déçu, le camp des partisans salue la large mobilisation et y voit un signal fort.
"Ce résultat est un grand soulagement, car l'initiative faisait peser une incertitude sur l'ensemble du tissu économique suisse, y compris les PME", a déclaré la directrice romande d'economiesuisse Cristina Gaggini à Keystone-ATS. Elle aurait également détérioré la relation avec d'autres Etats en s'ingérant dans leur souveraineté.
Pour l'Union suisse des arts et métiers (USAM), le résultat montre que le peuple suisse refuse de tenter des expérimentations et d’introduire des règlementations spéciales dans la période actuelle. "Les entreprises suisses ne doivent pas être inutilement pénalisées face à la concurrence internationale".
Aucun "blanc-seing"
A gauche, le PS se dit très déçu du résultat, mais y voit toutefois un signal fort adressé aux milieux économiques. "Aucun blanc-seing ne sera toléré et les multinationales doivent assumer leurs responsabilités". Membre du comité d'initiative, l'ancienne présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey se dit "déçue d'échouer aussi près du but".
Avec ce rejet, la Suisse risque d'être "une nouvelle fois dernière, comme ça a été le cas pour le blanchiment d'argent ou le secret bancaire", écrit Dick Marty (PLR/TI).
Amnesty International, l'une des nombreuses organisations à avoir soutenu le texte, relève que la Suisse a manqué une occasion d'imposer aux multinationales une règlementation efficace pour les obliger à protéger les droits humains et l'environnement. L'ONG considère toutefois que le "oui" du peuple constitue un succès historique et un appel au Conseil fédéral et au Parlement.