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Peuple et cantons rejettent l'initiative "contre le commerce de guerre"

Initiatives populaires fédérales rejetées : L’économie l'emporte sur les droits de l’homme
Initiatives populaires fédérales rejetées : L’économie l'emporte sur les droits de l’homme / Forum / 4 min. / le 29 novembre 2020
Les producteurs de matériel de guerre ne verront pas leur source de financement s'amenuiser. Le peuple a rejeté dimanche à 57,45% l'initiative "contre le commerce de guerre". Le scrutin a été marqué par un roestigraben et un fossé ville-campagne.

Seuls quatre cantons, dont trois romands, ont voté pour le texte. Le canton urbain de Bâle-Ville s'est montré le plus enthousiaste avec 57,92% de "oui". Le Jura suit avec 55,01%, devant Genève (53,12%) et Neuchâtel (52,57%). Vaud refuse l'initiative du bout des lèvres (50,79%). Près de deux tiers des Lausannois plébiscitent toutefois le texte. Nyon, Morges et Rolle affichent un soutien plus timide.

Les cantons bilingues de Fribourg (54,9%), du Valais (64,62%) et de Berne (54,76%) se sont également opposés au texte. Mais là encore, plusieurs villes ont déposé un "oui" net dans les urnes, comme Fribourg, Berne ou Bienne. La tendance s'observe même Outre-Sarine. Zurich, Lucerne, Soleure, St-Gall ou encore Aarau acceptent l'initiative, malgré un refus cantonal.

Les opposants les plus virulents viennent de Suisse centrale. Nidwald a balayé le texte à 75,18%, devant Schwytz (74,24%) et Obwald (72,58%). Au final, le camp du "non" a rassemblé près d'un million et demi d'électeurs. Et un peu plus d'un million de votants ont glissé un bulletin favorable.

L'initiative du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) et des Jeunes Verts voulait interdire le financement des producteurs de matériel de guerre dans le monde. La Banque nationale suisse, de même que les fondations et les institutions de prévoyance, n'auraient plus pu financer les entreprises réalisant plus de 5% de leur chiffre d’affaires annuel avec ce matériel.

>> Les analyses dans Forum, avec le débat entre Aline Bressoud, secrétaire politique au GSsA et Simone de Montmollin, conseillère nationale (PLR/GE) :

Commerce de guerre: Le GSsA reconnaît une défaite honorable
Commerce de guerre: Le GSsA reconnaît une défaite honorable / Forum / 12 min. / le 29 novembre 2020

Arguments éthiques versus économiques

Les investissements dans le "commerce de la mort" sont contraires à la tradition humanitaire et à la neutralité suisses, ont tenté de faire valoir les initiants, soutenus par la gauche et le PEV, tout au long de la campagne. La place financière suisse, l'une des plus influentes au monde, doit s'en distancier. D'autant plus que l'actuelle interdiction de financement du matériel de guerre prohibé peut facilement être contournée. Sans succès.

Les Suisses ont été plus sensibles aux arguments économiques avancés par les opposants. Outre les grands acteurs, comme RUAG, Airbus ou Boeing, leurs fournisseurs seraient touchés, ont plaidé les partis bourgeois et le gouvernement. De nombreuses entreprises seraient concernées. Les caisses de pension et de l'AVS/AI verraient alors leurs possibilités d'investissement restreintes. Et les rentes vieillesse en seraient impactées, ont-ils pointé.

ats/nr

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Déception chez les initiants, soulagement des milieux économiques

Le score n'est "pas trop mauvais", selon Thomas Bruchez, secrétaire du GSsA. "Une part de la population nous a entendus et nous soutient", a-t-il noté. Mais de pointer du doigt "une campagne de la peur des opposants". Chez les Jeunes Verts, c'est la déception. "Mais le résultat ne nous surprend pas vraiment", a déclaré Julia Küng, coprésidente du parti.

Ada Marra (PS/VD) note, elle, que la neutralité "en prend un coup". Pour Lisa Mazzone (Verts/GE), "l'initiative sur le commerce de guerre" a mis en évidence le rôle de la BNS et ses pratiques parfois contradictoires avec notre politique. "Ces dissonances vont émerger toujours plus dans le débat public et le Parlement va devoir s'y intéresser", selon elle

Quant au comité bourgeois (PLR, UDC, PDC, PBD) contre l'initiative, il estime que le texte aurait été difficile à mettre en oeuvre. Par ces temps de Covid-19, "il aurait représenté une charge supplémentaire pour l'économie", selon la conseillère nationale Maja Riniker (PLR/AG).

En rejetant nettement l'initiative, les Suisses ont montré leur attachement à une place économique forte, selon Carmelo Laganà, suppléant romand d’economiesuisse. Les investisseurs ont déjà pris les devants pour choisir des fonds éthiques, selon lui. Pour l'Union suisse des arts et métiers (usam), le texte se serait révélé extrêmement préjudiciable pour les institutions de prévoyance.