«Pour des prestations existentielles,
la population doit pouvoir compter sur les autorités qu'elle élit
et non sur des assureurs sans légitimité démocratique», a critiqué
lundi devant la presse le président de la Conférence des directeurs
cantonaux de la santé (CDS), le conseiller d'Etat vaudois
Pierre-Yves Maillard.
Contre l'intérêt des assurés
Pour la CDS, l'article soumis au vote du peuple et des cantons
est contraire à l'intérêt des assurés. Il laisserait aux caisses la
possibilité de déterminer l'offre, rendrait plus difficile l'accès
aux soins, limiterait la liberté de choix des patients, diminuerait
la transparence et accroîtrait le danger d'une sélection des
risques plus forte.
Opposés au nouvel article dès le départ, les cantons organisent
leur fronde en vue de la votation. L'assemblée plénière de la CDS
s'est prononcée sans opposition pour un «non». Même son de cloche
au sein des comités des conférences des directeurs des finances
(CDF) et des affaires sociales (CDAS). Et d'après Pierre-Yves
Maillard, la conférence des gouvernements cantonaux devrait suivre
la semaine prochaine.
Milliards versés sans contrôle
L'introduction d'un système de financement moniste reste dans la
gorge des cantons. A l'avenir, les prestations ne devraient être
prises en charge que par un seul agent payeur, en principe les
assureurs maladie.
«Les cantons seront réduits au rôle de percepteurs», a dénoncé le
ministre vaudois de la santé. Ils verseront huit, voire dix
milliards de francs par an à des sociétés privées sans moyens de
contrôler comment cet argent est géré.
Un scandale pour les directeurs cantonaux des finances. Il s'agit
d'un entorse inadmissible au principe qui veut que «celui qui paie,
décide», a souligné le président de la CDF le Soleurois Christian
Wanner.
Liberté de contracter
Les cantons contestent l'argument avancé par certains partisans
du nouvel article selon lequel rien ne changera sur le fond. Un
«oui» ouvre clairement la porte à la levée de l'obligation faite
aux caisses de collaborer avec tous les prestataires de soins. «Cet
article a été rédigé pour cela», d'après Pierre-Yves
Maillard.
Laisser les assureurs choisir les médecins et hôpitaux dont ils
remboursent les soins est contraire aux efforts cantonaux de
planification des besoins. Cela signifierait aussi un accès plus
difficile aux prestations pour les patients. Et les responsables
cantonaux de dénoncer une perte d'influence des pouvoirs publics,
qui eux seuls détiennent une légitimité démocratique.
Contrairement à un assureur, «un ministre de la santé qui ne
s'occuperait que de préoccupations économiques sans tenir compte
des besoins des patients court le risque de ne pas être réélu», a
rappelé le conseiller d'Etat vaudois.
ats/tac
D'autres inquiétudes
Deux autres points inquiètent les cantons. L'utilisation d'une formule uniquement potestative - l'assurance maladie «peut» prévoir des prestations pour les soins de longue durée et les accidents - risque de déboucher sur des lacunes qui devraient le cas échéant être comblées par les pouvoirs publics.
Quant à la promotion de la responsabilité individuelle, Pierre-Yves Maillard n'a pas hésité à brandir le spectre d'un modèle à l'américaine. Et les Etats-Unis sont aussi le pays où les coûts de la santé sont les plus élevés.
D'une manière générale, les cantons, qui tiennent désormais à consacrer toutes leurs forces à la mise en oeuvre dès 2009 du nouveau régime de financement des hôpitaux, ne veulent pas en plus gérer des nouvelles incertitudes avec la nouvel article.
Ils jugent en outre inutile d'inscrire dans la constitution des principes déjà prévus dans la loi comme la concurrence ou les réductions de primes.