Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur les profils d'ADN en 2005, la science a fait des progrès considérables, a relevé vendredi la ministre de Justice et Police Karin Keller-Sutter devant la presse. Ces progrès doivent servir aux enquêtes des autorités de poursuites pénales.
Plusieurs pays recourent déjà avec succès au phénotypage, une méthode qui permet de déterminer certaines caractéristiques morphologiques sur la base de l'ADN. C'est le cas notamment des Pays-Bas, a souligné la conseillère fédérale. Pour cette raison, le Conseil fédéral a transmis au Parlement sa révision de la loi sur les profils d'ADN.
Les caractéristiques concernées seront énumérées de manière exhaustive dans la loi, souligne-t-il. En fonction des avancées techniques, le Conseil fédéral pourra autoriser ultérieurement des caractéristiques physiques supplémentaires si la fiabilité de leur mise en évidence est établie.
Des garde-fous
Le gouvernement pose toutefois différentes conditions: le phénotypage devra être ordonné par le ministère public et ne pourra être utilisé que pour élucider des crimes, comme le viol et l'assassinat. Ses résultats ne pourront servir aux enquêtes que dans une affaire précise en cours et ils ne seront pas enregistrés dans la banque de données fondée sur les profils d'ADN.
Le phénotypage ne constitue pas une "solution miracle", ni un moyen de preuve, a reconnu Karin Keller-Sutter. C'est une technique qui s'ajoute aux déclarations des témoins ou aux images de vidéosurveillance. Il doit permettre de donner une direction à une enquête si celle-ci est au point mort.
Pas de risque de "profilage racial"
Interrogées sur les risques de discrimination ou de "profilage racial", les autorités se sont voulues rassurantes. Les témoins oculaires ont tendance à voir les criminels plus grands et plus "noirs" qu'ils ne le sont en réalité, a relevé la directrice de l'Office fédéral de la police Nicoletta della Valle. Le phénotypage est plus neutre.
Cette modification de la loi répond à une motion du Conseil national, déposée suite au viol non élucidé d'une jeune femme en 2015 à Emmen (LU).
"Une dizaine de cas par année"
Invité dans Forum, Vincent Castella, chef de l’Unité génétique forensique au Centre universitaire romand de médecine légale, évalue l’utilisation de la technique du phénotypage à "une petite dizaine de cas par année".
"L’ADN n’est pas la reine des preuves. C’est la raison pour laquelle il faut des spécialistes pour accompagner l’utilisation de ce genre d’outils. L’ADN peut être utilisée de façon sûre quand elle est corroborée avec les autres éléments de l’enquête."
Vincent Castella estime que la crainte d’un profilage racial n’est pas "fondée": "Sur le lieu du crime, c’est la trace laissée par l’auteur qui est exploitée. Une trace qui est anonyme lorsqu’elle est trouvée. A la basse, nous n’avons donc aucune idée sur l’origine de la personne."
ats/vajo
Recherche élargie
Le Conseil fédéral profite de cette révision de la loi pour autoriser la recherche élargie en parentèle. Grâce à une décision du Tribunal pénal fédéral de 2015, les enquêteurs peuvent déjà utiliser cette méthode. Elle sera désormais formellement inscrite dans la loi.
Des recherches en parentèle sont menées lorsqu'une recherche ADN ne permet pas d'identifier l'auteur d'un crime. Les enquêteurs peuvent alors élargir leurs investigations pour voir si la trace ADN présente une similitude avec d'autres personnes. Il s'agirait alors d'un proche parent de l'auteur de la trace.
Les délais d'effacement des profils d'ADN dans la banque de données ad hoc font aussi l'objet d'une modification. Ils ne dépendront plus de la durée de la peine, mais ils seront fixés une fois pour toutes dans le jugement même et ne seront plus modifiés.