Modifié

Six cantons romands unis contre les nouvelles mesures du Conseil fédéral

Face à de nouvelles restrictions possibles, les cantons romands s'estiment injustement traités.
Face à de nouvelles restrictions possibles, les cantons romands s'estiment injustement traités. / 19h30 / 2 min. / le 9 décembre 2020
Les gouvernements de six cantons romands – Fribourg, Vaud, Neuchâtel, Valais, Jura et Berne – regrettent que des dispositions aussi restrictives soient imposées à des cantons "qui ont pris leurs responsabilités" face au coronavirus. Ils réagissent à l'annonce du Conseil fédéral mardi soir.

Le gouvernement fédéral a mis en consultation dès mardi soir toute une série de mesures visant à lutter contre le coronavirus. Il reprend la main et envisage dès samedi des mesures pour toute la Suisse: fermeture des magasins et restaurants à 19h, réunions privées limitées à cinq personnes et activités culturelles interdites.

Dans un communiqué commun diffusé mercredi, les six cantons en question – sans Genève (lire encadré) – expriment leur désaccord sur l'ampleur du dispositif et déplorent la façon avec laquelle il a été élaboré. Ils admettent toutefois que la Confédération puisse reprendre la main et édicter des mesures uniformisées au niveau national.

>> Lire aussi l'analyse : Le "Coronagraben" s'inverse, la Suisse romande moins touchée par le Covid

Philippe Leuba, conseiller d'Etat vaudois en charge de l'économie et du sport, s'est dit très surpris au micro de Forum: "Les annonces d'hier ont été un choc pour les gouvernements cantonaux, un choc pour les milieux directement concernés", insiste-t-il.

"Il n'a pas été tenu compte des efforts considérables, extrêmement pénibles, consentis par les populations concernées et les gouvernements d'un certain nombre de cantons suisses qui ont pris des mesures à l'appel du Conseil fédéral. Et qui ont assumé leurs responsabilités", ajoute-t-il. "Et dans le projet de décisions annoncé mardi soir, il n'est fait aucune différence entre les cantons qui ont pris des mesures et ceux qui n'en ont pas prises".

>> Retrouver l'interview de Philippe Leuba dans le sujet de Forum :

Les nouvelles mesures sanitaires déclenchent la colère des cantons romands (vidéo)
Les nouvelles mesures sanitaires déclenchent la colère des cantons romands (vidéo) / Forum / 7 min. / le 9 décembre 2020

Assouplissements

Les gouvernements romands ont "anticipé des décisions difficiles et douloureuses pour la population ainsi que pour de nombreux secteurs de la société et de l'économie, assumé publiquement ces responsabilités, débloqué d'importants soutiens financiers et veillé à un dialogue intercantonal auquel le Conseil fédéral les avait précisément invités", écrivent-ils.

C'est pourquoi ils demandent des assouplissements, pour que la population puisse, "sous strictes conditions", avoir accès à d'autres activités que celles strictement liées au travail et aux achats. Ils souhaitent par exemple qu'il n'y ait pas de mesures spécifiques supplémentaires pour le dimanche et les jours fériés.

Ils demandent en outre qu'il soit possible de se rencontrer à dix personnes dans le cercle privé le week-end des 19 et 20 décembre. De nombreuses personnes mobilisées par la crise, dont le personnel soignant, travailleront les 24-25-26 décembre et ne pourront passer Noël en famille, selon eux.

Moyennant des plans de protection stricts, les cantons n'acceptent pas la fermeture des restaurants à 19h, même si celle des bars peut être "admise". Ils avancent également que les théâtres, cinémas et salles de spectacle puissent accueillir jusqu'à cinquante personnes au maximum.

>> Ecouter les interviews de Caroline Juillerat, coprésidente GastroNeuchâtel et Anne Bisang, directrice du Théâtre populaire romand, "Les secteurs de la restauration et de la culture sont les premiers touchés par les nouvelles mesures" :

Interview de Caroline Juillerat et Anne Bisang. [RTS - RTS]RTS - RTS
Les secteurs de la restauration et de la culture sont les premiers touchés par les nouvelles mesures / Forum / 8 min. / le 9 décembre 2020

Enfin, les six cantons appellent à l'instauration dès janvier d'un dialogue confédéral pour permettre une meilleure prise en considération de l'avis des cantons en amont, ainsi qu'une meilleure prévisibilité des mesures envisagées. En cas d'éventuelles restrictions supplémentaires décidées par la Confédération, celles-ci devront être compensées par des aides financières fédérales "importantes allouées aux secteurs concernés".

"Devant le fait accompli"

Dans la journée de mercredi, plusieurs représentants cantonaux avaient déjà fait part de leur irritation: "C'est la première fois depuis le début de cette crise que le Conseil fédéral nous met devant le fait accompli. Il va à la presse avant d'avoir consulté les cantons", avait relevé devant le Parlement jurassien le ministre Jacques Gerber.

Le conseiller d'Etat valaisan Christophe Darbellay avait lui écrit sur Facebook: "Le Conseil fédéral a misé sur le fédéralisme. Les Romands ont assumé. Pourquoi les mépriser ce soir?"

Les députés vaudois réunis au Grand Conseil ont vivement réagi mercredi: "Le Conseil fédéral est sorti de sa léthargie car les cantons alémaniques n'ont pas fait leur part, alors que les Romands ont fait d'importants sacrifices. Cette punition collective n'est pas acceptable", a déploré Jérôme Christen (Vaud Libre).

Dans le canton de Neuchâtel, le conseiller d'Etat Laurent Kurth a expliqué: "Etre informé en 25 minutes mardi soir avant même d'avertir les cantons constitue une première". "Cette pratique nuit à la crédibilité des institutions".

Les annonces du Conseil fédéral interviennent après des assouplissements prévus en Suisse romande: en effet, les restaurants doivent rouvrir jeudi. Le conseiller d'Etat Mauro Poggia a lui déploré que le problème soit perçu comme national quand la Suisse alémanique (lire encadré) est touchée, mais que local quand c'est la Suisse romande qui est concernée.

>> Le débat de Forum entre Balthazar Glättli, conseiller national vert zurichois et président des Verts, Marco Chiesa, président de l'UDC, et Delphine Bachmann, députée PDC genevoise, "Le Covid-19 aura-t-il raison du fédéralisme?" :

Débat entre Balthazar Glättli, Marco Chiesa et Delphine Bachmann. [RTS - RTS]RTS - RTS
Le débat - Le Covid-19 aura-t-il raison du fédéralisme? / Forum / 14 min. / le 9 décembre 2020

Stéphanie Jaquet et l'ats

Publié Modifié

Genève n'a pas signé

Le Conseil d’Etat genevois indiqué à RTSinfo qu’il "n’aime pas travailler dans la précipitation". Les représentants du canton de Genève étaient en séance lorsque a été reçue l’ébauche du communiqué romand.

Un gouvernement cantonal agacé, mais qui ne veut pas polémiquer. Il demande surtout que les mesures fédérales soient accompagnées d'aides pour les secteurs touchés.

Lors d'une conférence de presse mercredi après-midi, la présidente Anne Emery-Torracinta s'est montrée surprise par le timing et la forme des annonces de Berne.

Situation extraordinaire

Dans les autres cantons de Suisse, le Tessin prévoit de créer six centres de vaccination. Il compte commencer les vaccinations immédiatement après l'approbation du vaccin par Swissmedic.

Particulièrement touché par la recrudescence d'infections au coronavirus, le canton de Saint-Gall appelle le Conseil fédéral à déclarer la situation extraordinaire. Il n'introduit pas de nouvelles mesures immédiates. Son gouvernement veut se baser sur les restrictions fédérales attendues pour vendredi.

L'un de ses cantons voisins, Glaris, appliquera le même principe. Il a décidé en outre mercredi de serrer la vis face à un nombre stagnant de nouvelles infections. Le nombre maximal de personnes autorisé lors d'évènements publics ou privés est désormais réduit à dix en terres glaronaises.

A Bâle-Campagne, l'exécutif suspend ses nouvelles mesures, communiquées mardi et qui devaient entrer en vigueur vendredi, ce "pour éviter que des décisions contradictoires de la Confédération et des cantons ne désécurisent la population". Il estime que le fait que le Conseil fédéral ait exigé de nouvelles mesures de la part des cantons, puis ait annoncé ses propres mesures à la surprise générale est "extrêmement décevant".