Une partie de la Suisse romande est en colère depuis mardi soir. Elle ne comprend pas les nouvelles restrictions que le Conseil fédéral entend imposer à toute la Suisse. Car cela fait plusieurs semaines que les cantons francophones appliquent des mesures sanitaires qui pèsent sur leur économie et sur le moral de la population, alors que les cantons alémaniques n'ont presque rien fait. Et la courbe du "Coronagraben" est désormais en train de s'inverser.
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Globalement, la situation sanitaire actuelle liée à la pandémie est "pire qu'elle ne l'a jamais été", selon le Conseil fédéral. "Elle est en tout cas tout à fait importante, parce qu'on a vécu une deuxième vague beaucoup plus importante que la première", relève le médecin-chef du Service prévention et contrôle des infections aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) Didier Pittet jeudi dans La Matinale. "Mais elle est aussi importante parce que le taux et le nombre de personnes qui demeurent contaminées sont extrêmement importants", ajoute-t-il.
Un virus présent partout
Si les comportements sont inadéquats, on va vivre (...) un rebond très certain.
Et si on en est arrivé à une telle situation en Suisse, c'est parce que le virus est devenu hyper-endémique, relève Didier Pittet. "Cela veut dire qu'il est partout et donc que le risque de s'infecter est constamment présent."
Alors que les tensions sont fortes entre certains cantons et le Conseil fédéral et que certains secteurs comme la restauration sont à bout, le spécialiste rappelle simplement les risques sanitaires: "Si les comportements sont inadéquats, on va vivre non pas une troisième vague, mais une suite de deuxième vague avec un rebond très certain. Si les comportements sont bons, on pourrait passer à travers cette deuxième vague."
Chaque fois qu'on diagnostique un cas, il y en a deux qu'on ne diagnostique pas.
Les chiffres montrent en tout cas que la situation est grave.
Avec toutes les mesures imposées en Suisse romande, pourquoi n'est-on pas arrivés à un meilleur résultat? "Souvenez-vous de ceci, répond Didier Pittet, chaque fois qu'on diagnostique un cas, il y en a deux qu'on ne diagnostique pas." Et de rappeler que la Suisse a pris beaucoup de retard avec le test de la population.
Pour limiter la transmission, c'est les mêmes mesures qu'on répète toujours et je m'en excuse!
Un autre élément très important, rappelle le professeur, ce sont les mesures prises. "On les a mises en place, mais sont-elles respectées?", interroge-t-il. "Elles ne le sont souvent que mal, parfois elles ne le sont pas du tout. Et c'est ça qu'il faut bien comprendre: pour limiter la transmission, ce sont les mêmes mesures qu'on répète toujours - et je m'en excuse! - hygiène des mains, distance sociale, masque quand c'est nécessaire."
Infections au sein du noyau familial au sens large
Et si on ne peut plus s'infecter dans les restaurants fermés, les lieux de culture ou de sport, on continue à s'infecter surtout dans les noyaux familiaux. "Cela veut dire dans nos activités sociales. La famille, c'est la famille de la maison, celle du travail aussi, et celle du club de sport. A partir du moment où même un travailleur qui respecte toutes les consignes durant son travail se retrouve à la cafétéria, dans les ascenseurs, c'est à ce moment-là qu'on s'infecte", estime Didier Pittet.
Il est dommageable à ses yeux que les chaînes de transmission aient été perdues "puisque nous n'avons pas assez testé et que la santé publique a été débordée. Aujourd'hui, il est difficile de savoir où les gens s'infectent. Mais cela reste des noyaux dit familiaux".
Noël sera différent, Noël doit être passé en tout petits noyaux familiaux.
Et, au-delà du respect des gestes barrière, Didier Pittet insiste sur la nécessité de se faire tester au moindre symptôme. "C'est la seule façon de comprendre ce qui se passe, de pouvoir reconnaître les endroits où des mini-clusters, des mini-épidémies démarrent, de manière à pouvoir les contrôler. Et c'est seulement à cette condition-là que nous pourrons rouvrir certaines activités dont nous avons envie."
A propos des Fêtes de fin d'année, le médecin-chef du Service prévention et contrôle des infections des HUG ne laisse aucun doute: "Noël sera différent, Noël doit être passé en tout petits noyaux familiaux, de manière à éviter ce qu'on a vécu et ce qu'on vit aujourd'hui. C'est important de respecter ces consignes absolument, de manière à ce qu'on puisse imaginer une reprise qui soit sereine en janvier."
Propos recueillis par Romaine Morard/oang