Comment certains secteurs culturels tentent de se réinventer, parfois jusqu'à l'absurde
Quand il s'agit de s'adapter, deux écoles se dessinent: il y a tout d'abord ceux qui font les choses au premier degré, qui repensent tout le concept de leur établissement et qui entament des démarches administratives.
C'est le cas d'Igor Blaska, DJ et patron du MAD à Lausanne. Il a changé sa licence de club et depuis l'été dernier l'établissement est officiellement un café-restaurant.
"Une atmosphère très chandeliers"
"On a enlevé tous les podiums, la cabine DJ, et on a fait un partenariat pour créer un grand restaurant, dans une atmosphère visuelle qui ressemble au MAD", explique-t-il vendredi dans La Matinale. "Donc on a fait une atmosphère très chandeliers, bougies, pour qu'il y ait quand même une expérience là autour".
La deuxième école est représentée notamment par le musée d’archéologie de Neuchâtel, qui préfère passer par la provocation pour susciter une réaction politique. Son directeur est parti d’un constat très simple: la boutique du musée aurait le droit d’ouvrir, contrairement aux salles d’exposition.
Il a donc mis sur pied une stratégie plutôt cocasse: il envisage de transformer l’intégralité du musée en extension de la boutique - une façon de cacher le culturel derrière le commercial.
"On empêche les gens de nourrir leur esprit"
"On organise le Black Friday et simultanément on empêche les gens de nourrir leur âme, leur esprit, en allant visiter des musées", déplore Marc-Antoine Kaeser. "C'est la prise de conscience de ce contraste à mes yeux absolument scandaleux qui m'a fait considérer (…) qu'on allait utiliser cette boutique pour se faire écouter, se faire prendre au sérieux par nos autorités".
Ces dernières n'ont pas encore réagi à la provocation, mais le responsable du Laténium aurait légalement le droit de mettre son projet à exécution et il compte bien le faire si les autorités font la sourde oreille.
Malika Scialom
Proche avenir en mains du Conseil fédéral
La culture paie déjà un lourd tribut à la crise sanitaire, avec notamment des théâtres, salles de concerts et musées fermés dans de nombreux cantons.
Le Conseil fédéral souhaite désormais une interdiction générale partout en Suisse jusqu’à mi-janvier. Le verdict doit tomber vendredi, après consultation des cantons.
"D'un point de vue sanitaire, on peut comprendre qu'il y ait des mesures", souligne le secrétaire de la Fédération neuchâteloise des actrices et acteurs culturels (FNAAC) vendredi dans La Matinale.
"Mais la question ouvertures/fermetures est finalement secondaire", poursuit Matthieu Béguelin, "parce que - même si les salles, les théâtres, les musées, les cinémas, les salles d'exposition, peuvent effectivement rouvrir au 19 décembre - ça ne résoudra pas tous les problèmes, ça évitera d'aggraver encore un peu la situation".
Le poids économique de la culture en Suisse
Le secteur culturel est l'un des plus touchés par les mesures sanitaires liés à la pandémie. Pris au sens large (aussi la filière du livre, le graphisme, par exemple), il représente plus de 200'000 emplois et 15 milliards de francs annuels en Suisse, soit 2% du PIB.
Si on se limite aux arts de la scène, qui bénéficient souvent de subsides, l'ensemble compte quelque 10'000 entreprises.
Pourtant, on continue d'entendre parfois que la culture n'est pas forcément essentielle.
Sociologue de la culture à l'Université de Lausanne, Olivier Moeschler a analysé ce sentiment et le poids réel du secteur culturel jeudi dans l'émission Forum.