Dans un projet d'ordonnance fédérale mis en consultation expresse auprès des cantons, il est ainsi prévu de punir d'une amende d'ordre de 50 francs le non-port du masque dans les transports publics et leurs accès. Une somme cinq fois inférieure aux 250 francs actuellement recommandés.
Le non-port du masque, l'infraction la plus courante en ce moment, est la question la plus disputée. Selon les informations de la RTS, les 50 francs prévus si on ne reste pas assis pour consommer au bistrot sont aussi considérés comme trop peu dissuasifs par certains procureurs.
Des tarifs qui font le yoyo
A l'origine du projet mis en consultation, les juristes de l'Office fédéral de la santé publique ne veulent pas s'exprimer pour l'instant. Du côté des procureurs, on ne cache par contre pas son mécontentement.
"Proposer 50 francs pour le non-port du masque, c'est délivrer le message que c'est une broutille", critique le Genevois Olivier Jornot.
Il y aussi le problème incessant du changement de tarif. A Genève par exemple, l'absence de masque valait 100 francs au début de la seconde vague. Désormais, c'est 250 francs pour s'aligner sur les recommandations nationales des procureurs.
On le voit donc, les tarifs font le yoyo et le projet fédéral de nouvelles amendes d'ordre finit de brouiller les pistes et le message préventif voulu par les autorités de poursuites pénales.
Le risque d'un système kafkaïen
L'imbroglio risque donc de se développer un peu plus encore. Qui va donc s'adapter? Sera-ce à la baisse ou à la hausse? Et comment va-t-on s'y retrouver entre une amende "fédérale", ce qu'on appelle une amende d'ordre, et une contravention, qui est du ressort des cantons?
Les 50 francs exigés pour le non-port du masque ne pourront s'appliquer qu'aux cas qui concernent les transports publics, car ils sont régis au niveau fédéral. Si une telle infraction a lieu ailleurs, dans la rue ou dans un bâtiment, les cantons auront toujours la main et les contraventions pourraient rester fixées à 250 francs, le prix prévus par les procureurs.
L'uniformisation de la première vague n'est plus possible
Lors de la première vague, tout semblait plus simple. La situation extraordinaire avait alors permis au Conseil fédéral de fixer par décret une série d'amendes liées au Covid-19, dont les fameux 100 francs si on ne respectait pas la distance ou le nombre maximum de personnes attroupées dans l'espace public.
Mais depuis que ce régime d'exception a pris fin, la plupart des infractions liées au Covid-19 ne peuvent se régler qu'à l'échelle des cantons, avec pour chaque contrevenant une dénonciation pénale, un acte plus lourd et plus compliqué.
Pour simplifier la situation, les cantons ont donc tenté d'harmoniser leurs sanctions mais, surtout, ils ont insisté pour un retour de diverses amendes d'ordre (voir notre premier encadré) qui avaient disparu à la fin de la situation extraordinaire. C'est chose faite, avec une révision urgente de la loi concernant justement ces dernières. Sauf qu'une véritable bataille concernant les tarifs à appliquer a débuté.
>> Lire également : Quelque 16'000 Romands ont été sanctionnés lors de la première vague
Ludovic Rocchi
Adaptation web: Tristan Hertig
Les nouvelles amendes d'ordre mises en consultation
A l'appel des cantons, de nouvelles amendes d'ordre concernant les infractions liées à la pandémie de coronavirus ont été acceptées. La détails du projet sont en consultation
- Non-port du masque dans les transports publics: 50 francs (position actuelle des procureurs, 250 francs)
- Non respect de la consommation à table dans un établissement public: 50 francs
- Rassemblement de plus de 15 personnes dans l'espace public: 100 francs
- Non-respect des limitations d'accès, du marquage au sol ou de l'offre de désinfectants pour les exploitants et autres organisateurs: 300 francs.
Pour rappel, les autres infractions concernant par exemple le non-port du masque ou le non-respect d'une quarantaine sont punies par les cantons, qui ont leurs propres tarifs.
"Le port du masque est un axe stratégique de la lutte contre l'épidémie"
Invité de Forum, Fabien Gasser s'estime également surpris de la recommandation des 50 francs concernant le non-port du masque. Le procureur général du canton de Fribourg rappelle que jusqu'à présent, le masque est considéré comme un "axe stratégique de la lutte contre l'épidémie".
"Le fait que la Confédération reprenne la main et prévoit des amendes d'ordre, pour nous, c'est une bonne chose parce que ça permettra une harmonisation qu'on avait réussi en partie à entreprendre entre tous les procureurs (...) Par contre, nous avons le sentiment que le port du masque est un axe stratégique majeur de la lutte contre l'épidémie. C'est dans ce sens-là que nous avons décidé d'amendes de 250 francs, qui sont assez lourdes (...). Maintenant, si la Confédération devait nous dire aujourd'hui que finalement le port du masque est une broutille, nous en prendrions acte et nous appliquerions les tarifs décidés."
Mais pour l'instant, le Conseil fédéral continue de considérer le masque comme l'un des gestes barrières essentiels contre le coronavirus. Pour cette raison, celui qui est également responsable des sanctions Covid au sein de la Conférence des procureurs de Suisse demande une "amende dissuasive",
"J'espère que l'amende de 50 francs va quand même être considérée comme trop basse. Qu'on arrive à 250 francs, 200 ou 150, on ne va pas se battre là-dessus, mais on a besoin d'une amende dissuasive".
Enfin, si les 50 francs devaient quand même être retenus, Fabien Gasser explique que les tarifs des contraventions seraient sans doute revus en conséquence, afin de ne pas avoir une trop grande distorsion.
"Si le montant de 50 francs est retenu, on risque de revoir nos tarifications à la baisse pour s'adapter à cette stratégie. Nous ne sommes pas des experts en épidémiologie, ce n'est pas nous qui fixons la stratégie du Conseil fédéral, ce serait donc à nous de nous adapter".