Selon le comité référendaire, l'accord même assorti de conditions sur la production d'huile de palme ne mettra pas fin à la destruction des forêts tropicales, aux nuisances pour la biodiversité et à la mise en danger des populations locales.
Cet accord multipliera au contraire les échanges au mépris total de l’économie locale, de l’environnement et des ressources, a déclaré Willy Cretegny, vigneron bio à Satigny (GE) en conférence de presse à Berne. Or la Confédération souhaiterait conclure d’autres partenariats économiques dans les années à venir avec la Malaisie, le MERCOSUR et les Etats-Unis.
"Tous ces accords augmentent notre dépendance aux circuits longs de production et de distribution", estime le comité opposé à l'accord. Ce référendum constitue donc un premier frein face à une économie mondialisée qui ne sert que les intérêts de ses plus gros acteurs et qui met en concurrence les peuples d’un bout à l’autre de la planète.
Certificats insuffisants
L’huile de palme est un produit emblématique de cette politique de libre-échange. Au vu des fortes réticences tant des milieux environnementaux que des milieux agricoles, le Conseil fédéral a prévu des contingents sur les importations de ce produit dont les droits de douane seront réduits.
L'ordonnance d'application, actuellement en consultation, contient également des garde-fous. Pour bénéficier des taux préférentiels, les importateurs devront apporter la preuve qu'ils respectent des objectifs de durabilité. Ils devront se munir d'un certificat de traçabilité.
Le comité référendaire a répété lundi que les critères de durabilité n'étaient à son avis pas à la hauteur. La norme d'importation RSPO Segregated prévue entre autres par le gouvernement n’offre pas de garanties suffisantes: trois quarts des plantations de palmiers à huile certifiées RSPO en Indonésie sont situées sur d'anciennes zones forestières.
Comme la RSPO n'exige pas que la déforestation passée soit prise en compte, cela signifie que toute terre déboisée "aujourd'hui" peut être certifiée comme une plantation durable "demain" - dans une boucle sans fin de certification vide de sens, a critiqué Julia Küng, coprésidente des jeunes Verts suisses.
Contrôles pas convaincants
Nicolas Walder (Verts/GE) a également dénoncé des mécanismes de contrôles insuffisants. Le contrôle pourra uniquement être confié à un comité mixte sans aucun pouvoir. Car le volet de la durabilité est spécifiquement exclu de la compétence d'arbitrage prévue dans cet accord, a-t-il déclaré. "L'huile de palme durable n'existe pas", a résumé Ronja Jansen, présidente des jeunesses socialistes suisses.
Cet accord met aussi la pression sur l'agriculture suisse. L'huile de palme entre en concurrence directe avec la production nationale, selon Jelena Filipovic, co-présidente d’Agriculture du Futur. Avec la réduction tarifaire moyenne de 35%, le prix du kilo d'huile de palme passera à 2,02 francs, contre 2,60 pour un kilo d'huile de colza et de tournesol, a-t-elle illustré.
Les petits exploitants agricoles en Indonésie sont aussi les grands perdants du boom de l'huile de palme, a rappelé le conseiller national Denis de la Reussille (POP/NE). L'expansion de cette production conduit à une économie agricole tendant vers la monoculture qui contraint les paysans à devoir acheter leurs aliments de base qu'ils ne produisent plus.
Large coalition contre l'accord
"Cet accord de libre-échange creusera enfin les inégalités entre nos deux pays: d’un côté la Suisse qui exporte des produits créateurs d’emplois à haute valeur ajoutée et de l’autre l’Indonésie exportant majoritairement des produits agricoles et des textiles, synonymes d’emplois peu qualifiés", selon Nicolas Walder.
Le référendum contre l'accord entre l'AELE et l'Indonésie est soutenu par une cinquantaine d'organisations de la société civile, organisations non gouvernementales, associations paysannes, environnementales, syndicales, partis politiques, de défense des droits humains et du commerce équitable. Le comité compte sur un budget de campagne de 120'000 francs.
ats/kkub