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Matériel nucléaire: destruction condamnée

Documents détruits: Couchepin avait nié toute pression américaine.
Pascal Couchepin a expliqué vendredi la décision du Conseil fédéral.
Les critiques se multiplient après la mise au pilon de documents liés à un trafic présumé de matériel nucléaire. Cette destruction ordonnée par le Conseil fédéral est contestée tant du côté politique que juridique.

Cette décision est "monstrueuse" et empiète gravement sur le
principe de la séparation des pouvoirs, estime le président de la
Chambre d'accusation du canton de St-Gall dans des interviews au
St.Galler Tagblatt et au Bund.

Niklaus Oberholzer rappelle que dans un Etat de droit qui
applique ce principe une intervention directe du gouvernement dans
une affaire juridique en cours n'est pas permise. Et d'affirmer
qu'il n'a encore jamais eu vent d'un cas similaire de destruction
de documents.

Accusation mise en danger

Le dossier étant encore pendant devant la justice fédérale,
Niklaus Oberholzer se demande comment le tribunal pourra trancher
après que des documents ont été "éliminés" sur la base d'une
décision politique. La défense pourra en tout temps objecter que du
matériel en sa faveur a aussi été détruit, fait-il valoir.



Les motifs avancés par le Conseil fédéral pour justifier cette
destruction ne le convainquent guère non plus (voir
ci-contre
). Le collège se fonde sur des dispositions de la
constitution qui se réfèrent à des situations de crise
exceptionnelles (articles 184 et 185). Mais le St-Gallois a
beaucoup de peine à imaginer que la Suisse ou le monde se trouvait
dans une telle situation.



Le juge cantonal doute également de l'explication selon laquelle
la possession de ces documents était incompatible avec le Traité
sur la non-prolifération des armes nucléaires. Cela aurait suffi à
ses yeux de les mettre en sécurité et de les détruire à la fin de
la procédure pénale.

Opposition parlementaire

L'idée d'un archivage ou d'une mise sous scellés a aussi été
défendue par le conseiller aux Etats Dick Marty (PRD/TI). "On n'a
pas encore dit toute la vérité", a déclaré le rapporteur spécial du
Conseil de l'Europe sur les vols de la CIA vendredi dans le 19:30
de la TSR.



Le vice-président de la Délégation des commissions de gestion
Claude Janiak n'a, lui, pas voulu à ce stade s'avancer sur ce
terrain. L'organe de surveillance parlementaire dans le domaine
secret pourra se prononcer une fois qu'il aura éclairci les choses,
a souligné le conseiller aux Etats (PS/BL) dans une interview à la
Mittelland Zeitung.



Reste que la destruction de documents n'est pas non plus du goût
de la Délégation. Elle a écrit au Conseil fédéral pour lui dire
qu'elle n'était pas d'accord, a révélé Claude Janiak, tout en
précisant que ses membres ne peuvent faire que des recommandations.
La Délégation a été informée de l'affaire le 8 février, et ceci à
la demande de son président Hugo Fasel (PCS/FR).



ats/kot

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Le Conseil fédéral se défend

Le Conseil fédéral a fait détruire en novembre des documents liées à un trafic présumé de matériel nucléaire. Pascal Couchepin a confirmé vendredi l'information et l'a justifiée au vu du risque "considérable" pour la sécurité de la Suisse.

Les documents de technologie nucléaire saisis chez cette famille "ne pouvaient pas être conservés plus longtemps sans contrevenir aux obligations de la Suisse découlant du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP)."

Selon la déclaration de Pascal Couchepin, "il s'agissait d'éviter à tout prix que ces informations ne tombent entre les mains d'une organisation terroriste ou d'un Etat non autorisé".

"Il s'agissait de plans détaillés pour la fabrication d'armes nucléaires, de centrifugeuses à gaz permettant d'obtenir l'uranium enrichi nécessaire à cette fin ainsi que de systèmes de guidage de missiles", a expliqué Pascal Couchepin

La procédure pénale contre les deux frères et leur père est pendante. Les autres documents de la procédure pénale tels que procès-verbaux d'interrogatoires ou mémoires ne sont pas concernés par la décision de destruction.

Le président de la Confédération n'a rien dit à propos de la thèse d'une destruction effectuée "par complaisance" envers les Etats-Unis. Selon cette thèse évoquée par la presse, la Suisse aurait fait ce geste pour ne pas embarrasser les services secrets américains.