"L'inceste est l'une des violences les plus difficiles à combattre", estime Manon Schick
Les réactions sont vives en France après la publication du livre de Camille Kouchner, "La familia grande", qui dénonce les agressions incestueuses auxquelles se serait livré Olivier Duhamel. L'ouvrage a encouragé des milliers de personnes à témoigner sur les réseaux sociaux avec le hashtag #MeTooInceste.
La Suisse n'est pas épargnée, mais aucune statistique fédérale n'existe. Une étude de la fondation Optimus (2012) évoque toutefois que deux à trois enfants par classe sont victimes d'abus sexuels, et que 9% de ces agressions émanent d'un membre de la famille. "L'inceste est un phénomène plus compliqué à chiffrer, parce qu'il s'agit de quelque chose qui est complètement tabou", observe la nouvelle directrice de la Direction générale de l'enfance et de la jeunesse (DGEJ) du canton de Vaud. "Ce chiffre de 5% à 10% est probablement une réalité aussi dans le canton de Vaud."
Et d'ajouter: "Il n'y a absolument aucune raison de penser qu'il y a moins de cas d'inceste en Suisse qu'en France. (...) Ce mouvement #MeTooInceste, qui est pour l'instant très franco-français, va encore mettre un peu de temps à arriver sur nos réseaux sociaux, mais je pense que cela va être le cas."
Manque de chiffres
Celle qui a dirigé Amnesty International Suisse de 2011 à 2020 estime que la Suisse manque de beaucoup de statistiques sur des phénomènes de violence. "Ce manque de statistiques ne permet pas de les mettre en lumière. On l'a vu avec le harcèlement sexuel, tant qu'il n'y avait pas de sondages auprès des femmes, des jeunes femmes, ce phénomène "n'existait pas"."
En 2019, dans le canton de Vaud, trente-neuf situations "ont été reprises par un groupe de référence interne fondation PROFA, qui intervient dans les classes pour les cours d'éducation sexuelle", indique-t-elle. "Tous les élèves du canton, dès 6 ans, reçoivent cinq fois deux heures un cours d'éducation sexuelle (...). Dans ces cours, si des enfants font des commentaires qui paraissent un peu étonnants ou suspects, les professionnels qui interviennent dans ces classes sont formés pour reprendre cette thématique."
"Beaucoup de travail"
Après les témoignages sur les réseaux sociaux, la directrice de la DGEJ en appelle à une "transformation complète de la société" afin d'avoir "une attention, une formation des professionnels et un regard différents". "Il y a encore beaucoup de travail à faire, reconnaît-elle. (...) L'inceste est l'une des violences les plus difficiles à combattre."
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La Suisse en fait-elle assez dans la lutte contre l'inceste?
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Propos recueillis par Romaine Morard
Adaptation web: Valentin Jordil