L'HUILE DE PALME, C'EST QUOI?
L'huile de palme est une graisse végétale extraite du fruit du palmier à huile. Elle est obtenue par pression à chaud de la pulpe, qui contient une forte proportion de lipides. Cet arbre originaire d’Afrique de l’Ouest permet également de produire une autre huile, l'huile de palmiste, tirée du noyau de ses fruits.
La culture du palmier à huile est localisée dans les zones tropicales d'Asie, d'Afrique et d’Amérique du Sud. Plus de 80% de la production mondiale d'huile de palme est toutefois concentrée dans deux pays asiatiques, l'Indonésie (57%) et la Malaisie (27%), selon les derniers chiffres de l'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) datant de 2018.
Les huiles de palme (35,5%) et de palmiste (3,9%) représentent près de 40% de l’ensemble des huiles végétales produites dans le monde, loin devant l'huile de soja (28,3%), l'huile de colza (12,2%) et l'huile de tournesol (9,1%), toujours selon la FAO.
DANS QUELS PRODUITS EN TROUVE-T-ON?
L'huile de palme est omniprésente dans notre consommation quotidienne et il est extrêmement difficile d'y échapper. On la retrouve dans d'innombrables produits alimentaires, mais également dans des cosmétiques. Elle est aussi utilisée pour la production de biocarburants, même si cette utilisation est loin d’être le débouché principal du produit.
Dans le secteur alimentaire, l'huile de palme figure sur la liste des ingrédients de la plupart des plats précuisinés, dans les pains et brioches industriels, dans les biscuits, chocolats ou autres sucreries ainsi que dans la majorité des laits maternisés. Dans le domaine non alimentaire, médicaments, dentifrice, gels douches, fonds de teint ou mascaras en contiennent aussi souvent.
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POURQUOI L'HUILE DE PALME EST-ELLE SI PRISÉE?
Face à la demande croissante de l'industrie, la production mondiale d’huile de palme et de palmiste a connu une progression exponentielle ces dernières décennies. Elle est passée de moins de deux millions de tonnes au début des années 1960 à 25 millions de tonnes à la fin du XXe siècle pour atteindre 79 millions de tonnes en 2018, selon les chiffres de la FAO.
L’engouement pour ce produit s’explique tout d’abord par son prix. Il s’agit en effet de l’huile de cuisson la moins chère. De plus, l’huile de palme est solide à température ambiante, stable à haute température et se conserve bien. Ces propriétés lui permettent de remplacer avantageusement les graisses animales (beurre, saindoux, …) et les huiles végétales hydrogénées.
Reste que nombre d’industriels, à l’instar de Wander, tentent de limiter leur dépendance à l’huile de palme, voire s’en détournent, pour des raisons tant promotionnelles qu’environnementales. Il est désormais de plus en plus fréquent de voir la mention “sans huile de palme” sur les emballages des produits. Par ailleurs, nombre de fabricants privilégient désormais l’huile de palme durable (voir ci-dessous).
QUELLE QUANTITÉ LA SUISSE IMPORTE-T-ELLE?
Comme mentionné plus haut, la production mondiale d’huile de palme ou de palmiste a explosé ces dernières décennies et ne donne aucun signe d’essoufflement au niveau mondial. Signe pourtant de la désaffection de la population et des industriels suisses et européens pour ce produit, les importations dans notre pays sont en net repli depuis la première partie des années 2010.
Après avoir atteint un pic en 2013 (plus de 38’000 tonnes), les importations d’huile de palme n’ont cessé de reculer pour atteindre moins de 21'000 tonnes l’an dernier, selon les données de l’Administration fédérale des douanes. Il faut retourner au début des années 2000 - en 2003 pour être précis - pour retrouver des quantités importées plus faibles.
Les plus grands fournisseurs de la Suisse en huile de palme sont les îles Salomon, la Malaisie, le Cambodge et la Côte d’Ivoire. Bien que l’Indonésie soit le plus grand producteur mondial, elle ne figure pas dans les dix principaux pays d’importation, avec une part infime de 0,6% en 2019. Dix ans plus tôt, 30% des importations en Suisse provenaient d’Indonésie.
Dans le détail, quelque 21'000 tonnes d’huile de palme sont entrées dans notre pays en 2019 et 125 tonnes seulement provenaient d’Indonésie. En cas de oui à l’accord de libre-échange, cette proportion devrait toutefois à nouveau augmenter, le texte prévoyant une réduction des droits de douane d’environ 20% à 40%, pour un maximum de 12'500 tonnes par an.
POURQUOI L'HUILE DE PALME EST-ELLE TANT CRITIQUÉE?
Les opposants à l’accord de libre-échange avec l’Indonésie ont axé leur campagne sur l’huile de palme. Cet angle d’attaque n’est pas innocent. En premier lieu, on l’a vu plus haut, car l’Indonésie est le premier producteur de cette graisse végétale au monde. Mais aussi et surtout, car l’huile de palme a très mauvaise presse depuis de nombreuses années, et ce pour au moins trois raisons.
Les critiques les plus fréquentes et les plus virulentes visent son impact environnemental. La production d’huile de palme nécessitant de vastes surfaces cultivables, la déforestation est un problème majeur dans les pays producteurs, en particulier en Asie du Sud-Est. Les forêts tropicales primaires, qui figurent parmi les principaux réservoirs mondiaux de biodiversité, paient notamment un lourd tribut.
Face à cet argument, les défenseurs de l’huile de palme mettent en avant son rendement à l’hectare, nettement supérieur aux autres oléagineux comme le colza, le tournesol ou le soja. La culture du palmier à huile permet donc, selon eux, de réduire les surfaces agricoles nécessaires pour répondre à la demande mondiale. Reste que le bilan écologique de l’élaeiculture est complexe à établir, car il dépend de nombreux facteurs. La déforestation, par exemple, est un processus irréversible aux lourdes conséquences.
Les conditions de travail dans les plantations de palmiers à huile sont également pointées du doigt. Des associations de défense des droits de l’homme font état de travail forcé, de travail des enfants et de salaires “proches de l’esclavage”. Elles dénoncent par ailleurs les expropriations controversées voire illégales subies par les propriétaires fonciers, ainsi que les conséquences de l’utilisation de pesticides sur les travailleurs et les populations locales.
Enfin, la qualité nutritionnelle de l’huile de palme est sujette à caution, notent ses opposants. Cette graisse végétale est en effet très riche en acides gras saturés, qui diminuent le taux de bon cholestérol et contribuent à l’augmentation du risque de maladies cardiovasculaires. A noter cependant que, dans l’industrie alimentaire, l’huile de palme s’est largement substituée aux graisses végétales hydrogénées, encore plus nocives pour la santé.
L'HUILE DE PALME PEUT-ELLE ÊTRE DURABLE?
Selon les termes de l’accord de libre-échange avec l’Indonésie, les réductions de droits de douane sur les importations d’huile de palme sont conditionnées au respect de standards écologiques, économiques et sociaux. Pour bénéficier de frais réduits, les importateurs devront donc fournir la preuve que leur produit répond à ces principes de durabilité. Cela passe par des certifications reconnues par la Suisse.
Quatre labels de durabilité devraient être reconnus par la Suisse. Le principal a été lancé par la Table ronde pour l’huile de table durable, plus connue sous le sigle RSPO. Sise à Zurich, cette ONG a été créée en 2004 et vise à promouvoir une durabilité dans l’ensemble de la chaîne de production. Elle regroupe près de 5000 membres issus de 98 pays, dont le WWF, l’organisation caritative Oxfam et plusieurs autres ONG.
La RSPO mentionne des résultats concrets comme la réduction de l’eau utilisée et de la pollution en général ainsi que de meilleures conditions de travail, entre autres. Selon cette organisation, près de 20% de la production mondiale d’huile de palme est désormais certifiée, dont environ un tiers de la production indonésienne. L’immense majorité des importations en Suisse sont déjà issues du label RSPO. Mais cette norme suscite également des doutes. Les plus critiques parlent de "greenwashing", le concept même d’huile de palme durable étant selon eux une illusion.
En 2018, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) estimait que la norme RSPO avait du potentiel, mais qu’elle restait peu efficace contre la déforestation. Le WWF lui-même admet que les standards “ne satisfont pas aux exigences à tous les égards”. L’organisation s’est ainsi donné pour objectif d’instaurer des directives plus sévères au sein de la RSPO en lançant avec d’autres organisations le Palm Oil Innovation Group (POIG).
Selon une étude de l'EPFL et de l'institut fédéral de recherches WSL menée en Colombie et publiée en novembre 2019, l'huile de palme peut être durable si elle est bien cultivée. C'est le cas lorsqu'un ancien pâturage est transformé en culture de palmiers à huile, notent les chercheurs. Un an plus tôt, une autre étude de l'EPFL et du WSL relevait toutefois que, en Indonésie et en Malaisie, la déforestation liée directement ou indirectement à l’élaeiculture avait un impact négatif élevé en termes de perte de biodiversité et de coût carbone.
Didier Kottelat